Jeudi 20 septembre, la ministre de l'Ecologie réunira les parties prenantes aux projets de Zones d'actions prioritaires pour l'air (ZAPA). Objectif ? "En adapter le cadre", expliquait le ministère début juillet qui jugeait le dispositif "trop rigide et socialement injuste" en l'état. La survie de la mesure pourrait se jouer dans le cadre de cette concertation puisque la plupart des candidats avaient annoncé qu'ils remettraient des dossiers incomplets au 13 juillet, échéance fixée par le précédent gouvernement pour déposer officiellement un dossier de candidature.
L'été a donc été l'occasion pour différents acteurs de faire part de leurs doléances au gouvernement. Si les critiques concernant les textes réglementaires avaient déjà été longuement formulées, la plupart des nouvelles demandes concernent des alternatives de portée générale destinées à réduire la pollution associée au diesel. Un changement de stratégie suggéré par le ministère qui annonçait vouloir engager "une réflexion plus générale sur les mesures structurelles nécessaires à l'amélioration de la qualité de l'air".
"Il ne s'agit pas d'abandonner l'idée des Zapa", prévient René Dutrey (Europe Ecologie – Les Verts), adjoint au maire de Paris en charge de l'Environnement, "mais plutôt de voir comment l'Etat entend corriger le dispositif Zapa initial et l'articuler avec des mesures permettant d'engager une sortie du diesel sur l'ensemble du territoire".
L'éternelle question fiscale
Parmi les mesures d'ordre général, à l'occasion de la conférence environnementale, l'Union française des industries pétrolières (Ufip) s'est dite favorable au rééquilibrage de la fiscalité des carburants, rapporte l'AFP. Si ce rééquilibrage est une demande récurrente des écologistes, le soutien affiché par Jean-Louis Schilansky, le président de l'Ufip, répond à des enjeux bien différents.
Les véhicules diesel représentent aujourd'hui environ 60% du parc automobile français et consomment quelque 80% du total des carburants vendus en France. Les raisons de ce déséquilibre en faveur du carburant le plus nocif pour la santé sont connues : fiscalité avantageuse, consommation plus faible des véhicules comparativement aux modèles essence et soutien public via la bonus-malus qui profite aux véhicules diesel émettant le moins de CO2.
Pour l'Ufip l'enjeu est avant tout économique. "Nous souhaitons qu'on rééquilibre la fiscalité de façon à stopper le déséquilibre de la demande qui est pénalisant pour nos industries", a expliqué Jean-Louis Schilansky à l'AFP. En clair, la dizaine de raffineries françaises produit trop d'essence et pas assez de diesel, ce qui contraint la France à importer du gazole. Si le rééquilibrage fiscal est favorable au maintien de capacité de raffinage en France, il risque d'être mal perçu par les constructeurs automobiles spécialisés dans les petits modèles diesel. L'arbitrage s'annonce difficile.
Quid de l'éco-taxe poids lourds
En matière de fiscalité, France nature environnement (FNE) va plus loin en demandant, comme de nombreuses ONG environnementales, la suppression des avantages fiscaux dont bénéficie le transport routier de marchandise. Il s'agit notamment de mettre fin au remboursement partiel de la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE, anciennement TIPP) dont bénéficie aujourd'hui le transport routier de marchandises. Il s'agit aussi d'internaliser les dégradations environnementales, sanitaires et matérielles au moyen, entre autres, de l'éco-taxe poids lourds qui concernera 15.000 km de réseaux routiers non concédés dont 10.000 km de routes nationales et 5.000 km de routes départementales.
Par ailleurs, en juillet, Bertrand Delanoë, le maire de Paris, a adressé à Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre, une lettre proposant des actions en cas de pic de pollution et des mesures pérennes. Parmi les mesures permanentes, la Ville de Paris évoque la réduction de 10 km/h de la vitesse sur le boulevard Périphérique dont la vitesse est actuellement limitée à 80 km/h. L'idée n'est pas nouvelle, mais l'Etat n'a jusqu'à maintenant pas donné satisfaction aux propositions de l'exécutif parisien.
Autre mesure permanente évoquée par Bertrand Delanoë, l'instauration d'un péage pour les poids lourds sur les autoroutes franciliennes. "Il ne s'agit pas d'un péage urbain", explique René Dutrey, ajoutant que "la Ville souhaite savoir quelles sont les intentions du nouveau gouvernement sur l'éco-taxe poids lourds". En l'état, le dispositif devrait être généralisé à l'ensemble de la France en juin 2013, après avoir été expérimenté pendant trois mois en Alsace.
Interdire le diesel en ville
Quant aux mesures destinées à atténuer les pics de pollution, la Ville de Paris suggère de restreindre la circulation des poids lourds en transit et de baisser de 20 km/h la vitesse de circulation sur les axes franciliens. Les mesures avancées par Bertrand Delanoë, ont été saluée par France nature environnement (FNE) qui "[a appelé] toutes les agglomérations victimes de dépassements des seuils de pollution atmosphérique en particules et oxydes d'azote (NOx) à prendre des mesures similaires".
Plus radical, Jean-Marie Le Guen, propose de réfléchir à une interdiction des véhicules diesel dans les grandes villes. Au micro de RTL et dans les colonnes du quotidien Libération, le député socialiste et maire adjoint de Paris en charge de la santé, a estimé que "nous n'avons pas le choix". L'interdiction à terme est programmée, notamment du fait des poursuites engagées devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) par la Commission européenne. Il y a effectivement urgence puisque la France "accuse toujours un retard important dans la mise en œuvre de la directive européenne sur la qualité de l'air 2008/50/CE", rappelait en juillet le ministère de l'Ecologie.
"Il n'y a pas si longtemps, on encourageait les Français à s'équiper en moteur diesel", a admis Marisol Touraine, ministre de la Santé, au micro d'Europe 1, ajoutant qu'"à l'évidence, c'était une erreur donc les choses doivent avancer progressivement". La ministre a cependant indiqué qu'une éventuelle interdiction des véhicules diesel en ville ne pourrait être que très progressive.
Une remarque qui recadre l'objectif initial des Zapa : interdire progressivement les véhicules les plus polluants en ville.