« Regrouper les moyens humains et financiers actuellement alloués au contrôle, à l'expertise et à la recherche en sûreté nucléaire et en radioprotection, afin que ceux-ci relèvent à l'avenir d'une structure unique et indépendante » : telle est la première recommandation d'un nouveau rapport (1) rendu le 11 juillet par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Autrement dit, l'idée de fusionner l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) est remise sur le tapis, moins de trois mois après en avoir été balayée par le Parlement lui-même.
Un projet de loi à la rentrée ?
Envisagée par le biais d'un amendement déposé en février dernier par le Gouvernement dans son projet de loi sur le nouveau nucléaire, l'agglomération du « gendarme » et de « l'expert » du nucléaire français avait finalement été rejetée par l'Assemblée nationale en avril ainsi qu'en commission mixte paritaire (CMP) le mois suivant. Dans son rapport, l'Opecst préconise néanmoins de ne pas s'arrêter là et propose même de soumettre de nouveau l'idée dans le cadre d'un texte de loi à part entière, « idéalement dès le mois de septembre ».
Mutualisation des moyens et fluidification des procédures
Une fusion déontologiquement incompatible ?
En marge du travail de l'Opecst, la Commission nationale de déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement (CNDASPE) a rendu, le 5 avril dernier, ses propres conclusions sur le sujet à la demande du sénateur EELV Daniel Salmon. Pour assurer correctement les activités de l'ASN et de l'IRSN, la CNDASPE estime que les missions de gestion, de recherche et d'expertise doivent être entre les mains de « personnes morales différentes » dotées d'une « indépendance juridique ». En cela, selon elle, « l'organisation duale actuelle répond aux exigences de déontologie qui s'imposent à l'expertise scientifique et technique », aujourd'hui attachée à l'IRSN. Et si, malgré tout, celle-ci devait être transférée à l'ASN, la CNDASPE suggère de lui maintenir une « autonomie fonctionnelle », par exemple en lui octroyant un « statut d'autorité publique indépendante ».
Ainsi, parmi les conclusions du rapport, l'Opecst soutient que l'idée d'une fusion n'a rien d'incongrue « tant les fonctionnements des deux entités ne sont pas exactement séparés dans la réalité ». « L'un ne constitue pas le contre-pouvoir de l'autre et nous avons même constaté plutôt une coopération des deux sur certains dossiers », affirme Stéphane Piednoir. Cela étant, les rapporteurs témoignent avoir constaté une « forme de dispersion » grandissante, qu'il faudrait éviter « face à l'ampleur du travail à venir », à savoir, la future construction d'au moins six nouveaux réacteurs EPR2 et le développement de nouvelles technologies. Une éventuelle AISNR serait ainsi dotée, par exemple, d'un centre unique de gestion de crise (contre deux, l'un à l'ASN, l'autre à l'IRSN) et d'une mutualisation des moyens de communication avec les décisionnaires, les entrepreneurs et le public. Cela étant, l'Opecst prône par ailleurs une augmentation des effectifs dès 2024, « avec ou sans projet de fusion », pour renforcer les moyens de contrôle, d'expertise et de recherche.