Aux États-Unis, en Australie, au Royaume-Uni ou encore en Grèce, l'accélération des énergies renouvelables s'accompagne quasi systématiquement du développement de moyens de stockage, notamment par batteries. En France, l'approche est différente et les batteries devraient être moins déployées, ou alors différemment. Le réseau électrique est en effet plus structuré et capable d'absorber les variations de production grâce à des moyens pilotables et, demain, la flexibilité de la demande. Plusieurs réserves opérationnelles permettent également au gestionnaire du réseau de gérer les aléas proches du temps réel, avec un temps d'activation très court.
Aujourd'hui, ces réserves sont dimensionnées pour faire face à l'arrêt brutal de deux grands groupes de production et/ou à des erreurs de prévision de la consommation. Mais la progression de la part des ENR dans le mix va augmenter les besoins en réserves activables en quelques minutes, prévient RTE. Leur dimensionnement dépendra de la proportion des renouvelables dans le mix électrique, mais aussi de la qualité de la prévision à court terme des productions renouvelables et de leur observabilité en temps réel. Dans une approche « prudente », RTE estime les besoins entre 4 et 9 gigawatts (GW) à l'horizon 2050, au lieu de 3 GW aujourd'hui.
Mieux prévoir la production renouvelable
Pour limiter ces besoins, le premier enjeu est de perfectionner la prévisibilité et la fiabilité de la production renouvelable. Si d'énormes progrès ont été faits ces dernières années, il s'agit désormais d'améliorer les prévisions proches du temps réel, notamment pour le solaire, dont la variabilité peut être plus brutale. Plusieurs outils, comme l'imagerie satellite, le « machine learning » et les méthodes probabilistes sont explorés pour rendre ces prévisions plus robustes. « Sur l'éolien, il faut également travailler sur la maintenance prédictive pour éviter des arrêts pour casse », estime Michel Gloria, délégué général de France Renouvelables. Là aussi, l'intelligence artificielle est explorée pour mieux anticiper l'usure des machines.
Les réserves de capacité en bref
En cas d'aléa, RTE dispose de plusieurs réserves pour assurer l'équilibrage du système en temps réel. Ces capacités sont mises en réserve, c'est-à-dire qu'elles ne sont sollicitées qu'en cas de besoin. La réserve primaire doit réagir en quinze ou trente secondes. RTE organise un appel d'offres hebdomadaire pour la constituer. Si son activation ne suffit pas, la réserve secondaire est appelée en moins de quatre-cents secondes. Tous les moyens de production de plus de 120 MW doivent y participer. Si nécessaire, RTE peut faire appel à la réserve tertiaire, activable en treize (rapide) ou trente minutes (complémentaire). Cette réserve est également sollicitée lorsque les déséquilibres sont anticipés. RTE mobilise par exemple la filière hydraulique (station de transfert d'énergie par pompage ou Step) pour faire face à une demande forte. Lorsque la demande est plus faible, le nucléaire sert de variable d'ajustement.
Participer aux services systèmes : pas si simple
À l'avenir, les ENR seront également appelées à davantage participer aux réserves opérationnelles pour accroître les volumes mobilisables. Aujourd'hui, cette participation est volontaire, contrairement aux moyens de production pilotables qui ont l'obligation de participer à la réserve secondaire et tertiaire. La Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) réfléchirait cependant à élargir cette obligation aux parcs renouvelables les plus significatifs.
Concrètement, les énergies renouvelables peuvent participer en écrêtant leur production. Pour proposer ce service, l'intervention d'un intermédiaire est souvent nécessaire pour assurer un volume d'effacement pertinent. « Nous participons au mécanisme d'ajustement depuis deux ans, explique Geoffroy Turlais, directeur des prévisions d'Agregio. Nous avons constitué des ensembles de parcs renouvelables pour flexibiliser la production rapidement, puisqu'il faut treize minutes entre la demande de RTE et l'arrêt de production. » En 2023, RTE a sollicité 18 activations auprès d'Agregio, soit environ 2 GWh effacés. Pour assurer une meilleure participation des renouvelables à la réserve tertiaire, RTE envisagerait de revoir ses critères de sélection.
Il serait également possible de développer une modulation à la hausse, en associant des batteries aux parcs ENR, activables en quelques secondes. Mais en raison des coûts, celles-ci sont généralement dimensionnées pour stocker quelques heures d'énergie (jusqu'à quatre heures). Le modèle économique n'est donc pas au rendez-vous. En revanche, RTE a expérimenté le pilotage d'un parc de batteries, mobilisable automatiquement (projet Ringo). Ce système pourrait à terme être développé pour absorber les surplus renouvelables et gérer les aléas en quelques secondes, avec le lancement d'appels d'offres pour des capacités de stockage de plusieurs dizaines de mégawatts.