« L'éloignement progressif des énergies fossiles », engagé à la COP 28 de Dubaï en décembre dernier, ne semble pas encore près d'être acté. Plusieurs rapports, publiés en avril par une ONG américaine et un think-tank britannique, montrent à quel point les industries du pétrole, du gaz naturel et du charbon ne sont pas tout à fait en voie d'extinction.
Petite histoire des « majors » des fossiles
Pour commencer, Influence Map, un laboratoire d'idées britannique créé par plusieurs fondations privées, a ouvert « Carbon Majors (1) », une nouvelle base de données compilant les chiffres de production de pétrole, gaz, charbon et ciment de 122 entreprises (publiques et privées), de 1854 à nos jours, et les traduisant en émissions de gaz à effet de serre. Pendant près de deux siècles, ces secteurs ont émis l'équivalent de 1 421 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (CO2), soit environ 38 fois les émissions totales comptabilisées dans le monde en 2022 (année record). Environ 17 % de ces émissions historiques (soit 251 GtCO2e) ont été rejetées depuis la signature de l'Accord de Paris, en décembre 2015, jusqu'à la fin de l'année 2022. Dans le même temps seulement 57 de toutes les entités suivies étaient responsables de 80 % des émissions.
Toujours plus de pétrole et de gaz
Et la donne ne s'est pas exactement inversée durant les deux dernières années. Le Global Energy Monitor, une ONG américaine spécialisée dans la traçabilité des énergies fossiles, a réuni des données (2) sur les nouveaux projets d'extraction de pétrole et de gaz lancés en 2022 et 2023, d'une part, et de centrales à charbon ouvertes en 2023, d'autre part. « L'industrie pétrogazière n'en démord pas et continue de miser sur de nouveaux gisements et de nouvelles capacités de production alors même que le consensus persiste : aucun nouveau projet fossile ne doit être lancé si le monde veut garder une chance de limiter la hausse des températures à 1,5 °C d'ici à la fin du siècle », souligne l'ONG, en écho à la doctrine promue par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) depuis 2021.
Et de charbon chinois
Quant aux centrales à charbon, le Global Energy Monitor (3) note une augmentation nette des capacités mondiales de l'ordre de 48 gigawatts (GW) en 2023 (sur deux térawatts de puissance totale en service). Cette hausse, de « seulement » 2 % en un an, cache la plus forte augmentation depuis 2016 (69 GW), dont les deux tiers sont dus à la Chine, et le plus faible volume d'arrêt définitif depuis 2011 (21 GW). « Cependant, assure l'ONG, cette accélération sera de courte durée grâce au plus grand nombre de fermetures à venir – y compris en Chine, si elle tient sa promesse d'abandonner l'équivalent de 30 GW de puissance en 2025. » Une tendance renforcée, en outre, par une baisse significative de nouveaux projets de centrales engagés en dehors de la Chine : moins de 4 GW, par rapport à une moyenne annuelle de 16 GW depuis 2015. Le hic ? Les trois quarts des centrales en service dans le monde n'ont pas encore de date de fermeture.