Quel sera le visage du parc de centre de tri en France à l'horizon 2020 ? De quelles marges d'adaptabilité dispose-t-il face aux évolutions à venir et aux choix d'organisation de collecte des collectivités ? Pour fournir un début de réponse à ces questions, l'Ademe a mené différentes études et a restitué les résultats à l'occasion d'un colloque sur les produits hors d'usage, mardi 23 octobre.
D'ici 2020, les centres de tri devront tout d'abord renforcer leur vigilance concernant la qualité des matières premières issues du recyclage. En effet, pour certains emballages, les critères de qualité des prescriptions techniques minimales ne seraient pas scrupuleusement respectés. "La teneur en produit magnétique propre et sec des emballages acier issus du tri sélectif présente encore une dispersion importante puisque nous avons mesuré des valeurs allant de 80 à 92% pour un objectif de 88% minimum", déplore Philippe Russo, responsable des projets R&D recyclage d'ArcelorMittal. La proportion manquante étant souvent du carbone ou de l'eau, ces produits, lors de leur chargement dans des fours sidérurgiques, généreraient de grandes flammes ou des risques d'explosion.
Pour lui, l'amélioration de la situation passe par différentes conditions. Tout d'abord que les étapes de tri manuel en amont permettent également le retrait des produits souillés ou imbriqués. Les tris automatiques doivent être installés le plus en aval possible afin de limiter la sélection d'emballages indésirables. Une fois extraites, les matières premières devraient être compactés et stockés au sec, séparés les uns des autres. Il souhaiterait également que les consignes de tri soient uniformes et bien communiquées à la population. Et enfin, en cas de tri non conforme, il faudrait, selon lui, que celui-ci ne soit pas collecté.
Malgré le retard du dispositif, l'harmonisation des consignes de tri est désormais amorcée en France : un premier décret a arrêté la liste des déchets d'emballages devant faire l'objet d'une collecte séparée avant le 1er janvier 2015. Un second, en projet, doit déterminer le pictogramme qui informera que les déchets relève d'une consigne de tri.
Modification du volume des déchets en 2020
L'Ademe estime qu'à l'horizon 2020, le gisement des déchets ménagers diminuera d'environ 5% (sans prendre en compte le verre) par rapport à 2010 (6.653kt). "Concernant les papiers graphiques, nous nous attendons à une baisse significative d'environ 21%, estime Sylvain Pasquier, ingénieur spécialisé dans la filière responsabilité élargie du producteur (REP) et le recyclage, La Poste estime que les flux vont réduire de 30% d'ici 10 ans, il va également y avoir une réduction des impressions publicitaires ou pour la presse".
Dans le futur, les collectivités françaises pourraient également choisir d'élargir les consignes de tri à tout ou une partie des emballages plastiques. Pour l'instant, le recyclage se concentre sur certains emballages constitués de polymères thermoplastiques (polyéthylène haute densité, polychlorure de vinyle et polyéthylène terephtalate) comme les flacons, bouteilles ou bidons. Il exclut les emballages rigides (par exemple les pots de yaourts) ou souples.
Une expérimentation, menée par Ecoemballage, teste la possibilité d'englober tous les emballages plastiques dans la collecte sélective. Si celle-ci s'avère concluante, elle pourrait être généralisée à l'ensemble du territoire et avoir des répercussions sur l'organisation des centres de tri.
D'une façon générale, si le gisement total des déchets devrait diminuer, le taux de collecte pourrait en revanche augmenter par rapport à 2010 (3,3 Mt). Selon les hypothèses, cette hausse s'avère plus ou moins importante. Ainsi, si l'extension des consignes de tri à tous les emballages plastiques est adoptée, son augmentation devrait atteindre +15%. "Le taux de collecte des nouvelles résines a été évalué à 40% pour les plastiques rigides - autres que les bouteilles et flacons – et pour les films plastiques", précise Sylvain Pasquier. Dans le cas contraire, elle resterait à +10%.
L'Ademe a également estimé l'évolution de la densité des flux de collecte en fonction de différentes hypothèses. Ainsi, si l'extension des consignes de tri à l'ensemble des déchets plastiques s'opère (sans toutefois prendre en charge les films plastique), le volume de l'ensemble des flux de déchets augmente d'ici 2020. "L'évolution en volume semblerait globalement plus significative que l'évolution en poids", note Sylvain Pasquier.
Concernant les films plastiques, une incertitude subsiste : soit les films mélangés aux autres produits ne génèrent pas de volume supplémentaire soit ils se comportent comme des matériaux rigides. Dans le cas du flux de brique, carton, métaux, plastiques et journaux, l'augmentation de volume serait alors de 21% pour l'hypothèse basse et de 37% pour la haute.
Quelle adaptabilité des centres ?
En 2011, les 253 centres de tri en activité, comptabilisés par l'Ademe, ont traité 93% de l'ensemble des recyclables secs des ordures ménagères. De la simple chaîne de tri à des équipements de tri automatisés des plastiques et des fibreux, le degré de mécanisation des centres s'avère moyen en France."La carte du niveau technologique des centres de tri aujourd'hui ressemble à une carte des aides de l'Ademe, plaisante Jean-François Blot, ingénieur au service prévention et gestion des déchets de l'Ademe, depuis 2010, nous les soutenons en effet dans leur optimisation".
Une étude pilotée par l'Ademe (commandée par le ministère de l'Ecologie) s'est penchée sur les potentielles difficultés rencontrées par les centres de tri pour s'adapter aux évolutions de la collecte séparée en entrée et des spécifications en sortie des flux triés. Elle s'est concentrée sur 4 types de problèmes : la surface de stockage amont ou aval, le process, les possibilités d'évolution des locaux sociaux ainsi que la capacité électrique et l'adaptabilité réglementaire.
Les premiers résultats montreraient que 123 sites présenteraient des points bloquants. Le rapport final devrait être disponible fin 2012.
"Si le sujet est national, ses déclinaisons restent territoriales : il n'y aura pas de solution unique", pointe Sylvain Pasquier.