Le projet de loi climat et résilience (1) , dont l'examen en séance publique à l'Assemblée s'est achevé le 17 avril, a donné l'occasion aux députés de revenir sur deux points de crispation portés par les fédérations de défense des moulins (2) concernant la politique de continuité écologique des cours d'eau : le financement de l'effacement de seuils par les agences de l'eau et le classement de certains ouvrages dans une liste prioritaire pour l'aménagement ou la suppression des obstacles, annexée au schéma directeur de gestion des eaux (Sdage).
Une série d'amendements portés par différents groupes politiques excluent en effet désormais la possibilité pour les agences de l'eau de financer la destruction des seuils de retenue des moulins. « L'entretien, la gestion et l'équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l'accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments », indique avec cette modification le code de l'environnement. Dans le même esprit, l'ouvrage devra être géré, entretenu et équipé « sans que puisse être remis en cause son usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d'énergie. »
1 600 seuils de moulins concernés
Des modifications adoptées contre l'avis du Gouvernement et de la rapporteure. « Sur les dizaines de milliers de moulins que compte notre pays, 5 000 doivent encore être rendus « transparents », mais cela n'affecterait au maximum que 1 600 seuils, a réagi Cendra Motin, député La République en marche de l'Isère, rapporteur pour le titre II de la loi « produire et travailler ». Outre le fait qu'ils relativisent fortement le principe de continuité écologique en affirmant qu'aucun autre usage du cours d'eau, notamment énergétique, et même potentiel, ne pourrait être remis en cause, vos amendements visant à interdire la destruction des seuils de retenue des moulins nuisent à nos objectifs communs en matière de biodiversité et d'écosystèmes aquatiques ».
Des dispositions également déplorées par Martial Saddier, député Les Républicains de Haute-Savoie, président du comité de bassin Rhône-Méditerranée. « Il est donc faux de dire que l'on démolit tout et que l'on veut tout effacer ! À l'échelle de la France, une majorité de seuils ont été équipés et une minorité d'entre eux ont été effacés, a-t-il assuré. Vous y gagneriez peut-être à court terme, chers collègues, en termes de suppressions de seuils, mais les comités de bassin et les agences de l'eau se retireraient. Or, avec les propriétaires, nous avons besoin de leurs financements pour amorcer la pompe et obtenir le concours des collectivités territoriales, des départements et des régions ».
Concernant la liste des ouvrages sur la liste prioritaire, le ministère de la Transition écologique pourrait ouvrir la concertation pour les projets contestés avec les parlementaires, les présidents de comité de bassin et les Dreal après la consultation publique des schémas directeurs pour la gestion de l'eau qui doit se terminer en septembre prochain. « J'aimerais donc que nous fassions ce qu'il convient de faire : laisser subsister des possibilités de revoir les listes de cours d'eau, qu'il puisse y avoir des concertations dans les territoires, a indiqué Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique. Personne n'a envie de tuer les moulins. Il faudrait avoir enfin une démarche apaisée : le sujet suscite une passion quelque peu excessive, disproportionnée. Dans ce domaine, les problèmes se posent de manière très ponctuelle et peuvent être réglés autour d'une table ».La protection des moulins hydroélectriques prévues dans une proposition de loi
La proposition de loi visant à inscrire l'hydroélectricité au cœur de la transition énergétique, adopté par le Sénat le 13 avril et renvoyée à la commission des affaires économiques de l'Assemblée, prévoit également des dispositions pour protéger les moulins hydroélectriques. Dans ce texte également, l'effacement de ces derniers au motif du respect des règles de continuité écologique n'est plus possible. De la même manière, l'ensemble des moulins hydroélectriques pourraient déroger aux règles de continuité quelle que soit la date de mise en œuvre du projet hydroélectrique. Autre évolution envisagée : Un seuil aménagé ne devra plus être considéré comme un obstacle à la continuité écologique et ne devra plus faire l'objet de nouvelles prescriptions pendant dix ans. Le texte demande également le déclassement de certains cours d'eau quand « il est apporté la démonstration que les critères de classement prévus par la loi ne sont pas réunis ».
Un recensement des sites avec un potentiel hydroélectrique
Ce projet de loi prévoit également un recensement de sites potentiellement propices au développement de l'hydroélectricité. Les résultats de ces études seront rendus publics et pourront notamment servir aux développeurs de projets pour renforcer leurs études d'impact. « L'État pourra ainsi accompagner les projets citoyens visant à produire de la petite hydroélectricité sur les territoires, développés notamment autour de moulins, soutenus par des élus et pourquoi pas par des petites entreprises, puisque c'est possible dans le cadre des communautés d'énergie renouvelable et des communautés énergétiques citoyennes, a détaillé Cendra Motin, rapporteure. Il s'attachera en même temps à garder à l'esprit l'exigence de préservation des milieux naturels. En effet, il s'agit de mener un travail de coopération avec les agences de l'eau et l'Ademe, afin de garantir que ces projets respecteront toutes les obligations existantes en matière de qualité de l'eau et de protection des milieux naturels autour des ouvrages concernés ».
Cette proposition a toutefois laissé certains députés sceptiques. « Si l'on veut dresser une liste précise des différents sites possibles, on risque d'en exclure ceux qui n'y figureraient pas. Vous me direz que la liste n'est pas opposable, mais nous savons très bien comment les choses se passent : une fois que la liste existe, le fait de ne pas s'y trouver peut être préjudiciable à tel ou tel projet qui n'aurait pas été identifié », a souligné Thibault Bazin, député les Républicains de Meurthe-et-Moselle.
Le vote solennel sur l'ensemble du projet de loi aurait lieu le mardi 4 mai, après les questions au Gouvernement.