"Effluents domestiques, activités hospitalières, élevages ou épandages à proximité d'un cours d'eau, toutes ces actions peu normées exposent l'environnement dans son ensemble aux antibiotiques, a pointé dans son rapport (1) publié en juin 2015, la mission Carlet initiée par le ministère de la Santé pour la préservation des antibiotiques. Pour ce groupe de travail spécial, "l'effet réel des traces d'antibiotiques retrouvées dans l'environnement sur l'Homme est encore mal connu, mais favorise très probablement le développement de résistances jusqu'à présent observées essentiellement en médecine humaine et animale".
Lors d'un colloque sur les enjeux économiques de l'antibiorésistance organisé jeudi 17 novembre au ministère de la santé, la question de leur présence dans l'environnement a de nouveau été posée. Le constat reste celui d'un manque de données sur ce sujet : la connaissance de la contamination réelle des milieux et de la faune sauvage ainsi que la compréhension des mécanismes de dissémination demeurent en effet lacunaires.
Des travaux ont toutefois donné des premières pistes notamment pour un milieu encore peu exploré : le sol. Des scientifiques (2) se sont ainsi intéressés à l'impact de la présence des antibiotiques sur celle de gènes de résistance. Lors d'expérimentations en laboratoire, ils ont constaté que l'ajout de différentes concentrations d'antibiotiques produisait peu d'effets sur l'abondance et la diversité de ces derniers. "Le sol a un pouvoir tampon important", souligne Pascal Simonet, chercheur à l'Ecole centrale de Lyon.
En revanche, l'ajout de fumiers modifie considérablement la donne. "C'est le principal facteur qui change le résistome (3) du sol", précise le scientifique. L'explication ? Les bactéries portant des gènes de résistance sont sélectionnées dans le tube digestif des animaux puis se retrouvent ensuite dans le fumier épandu sur le sol.
Une présence permanente de bactéries antibiorésistantes dans l'estuaire de la Seine
D'autres équipes de recherche se sont penchées sur la présence de bactéries antibiorésistantes (E.Coli) dans des
"Un des défis majeurs sera d'évaluer la résilience des écosystèmes dans un contexte de changement climatique et d'augmentation de la population humaine et animale, pointe Fabienne Petit. Même si la consommation diminue, il n'est pas dit que la quantité retrouvée baisse également : il faudra choisir des antibiotiques en fonction de leurs comportements dans l'environnement".
Différents éléments peuvent également favoriser l'acquisition de résistance : le rejet dans les milieux de produits chimiques comme les métaux lourds, les biocides ou dans l'eau d'antibiotiques, même à des concentrations faibles. Exposées à un stress, les bactéries vont en effet déclencher des mécanismes de protection qui favorisent l'acquisition de ces gènes.
Un réservoir à mieux connaître : la faune sauvage
Une autre voie de recherche reste encore à approfondir : la présence d'antibiorésistance dans la faune sauvage. "Les grands prédateurs sont souvent porteurs de bactéries antibiorésistantes et accumulent les risques d'exposition, note Marion Vittecoq, chercheur à la Tour du Valat. Les espèces aquatiques sont plus fortement touchées que les espèces terrestres : pourtant nous disposons de très peu de données chez les poissons".
Différentes initiatives ont toutefois vu le jour ces dernières années pour y voir plus clair. Ainsi, un groupe de travail pluridisciplinaire "Antibiorésistance et environnement (6) " a été créé afin d'exploiter les projets en cours sur la relation entre activités humaines, antibiotiques, environnement et antibiorésistance. Dans le cadre de la feuille de route pour 2015 de la transition écologique, l'Anses s'est également vue confier une mission sur les mécanismes qui participent au développement de l'antibiorésistance. Elle a lancé cette année un appel à projets sur la thématique "Antibiorésistance et environnement".