La ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, a présenté ce mercredi 23 juillet en conseil des ministres une communication sur la politique de l'eau. Le moment est bien choisi. Les nouveaux comités de bassin, ces petits parlements de l'eau, sont en cours d'installation et doivent adopter les prochains schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) qui vont fixer la politique de l'eau dans chaque bassin pour la période 2016-2021.
L'enjeu est important, tant en termes quantitatifs que qualitatifs. On sait maintenant depuis longtemps que la France n'est pas en mesure d'atteindre l'objectif de bon état écologique de deux tiers des eaux de surface en 2015 fixé par la directive cadre sur l'eau (DCE). La ministre souhaite réagir et annonce un recentrage de la politique de l'eau sur quatre grandes priorités : lutter contre les pollutions, lutter contre le gaspillage, améliorer la gestion des milieux aquatiques et faire du domaine de l'eau un levier pour l'activité économique. Mais les nitrates et les pesticides restent les deux gros sujets de préoccupation, comme le souligne sa directrice de cabinet Elisabeth Borne.
La première des priorités du ministère de l'Ecologie est de "renforcer la prévention en matière de qualité de l'eau, plutôt que de devoir réaliser des traitements coûteux qui pèsent sur la facture d'eau".
3.800 communes supplémentaires classées en zones vulnérables
En ce qui concerne les nitrates, le ministère de l'Ecologie a identifié 3.800 communes supplémentaires en vue d'être classées en zone vulnérable, qui vont donc s'ajouter aux quelque 19.000 communes déjà concernées. Le ministère annonce une consultation sur cette liste de communes pour la rentrée et une décision de classement avant la fin de l'année. Cette extension des zones vulnérables s'inscrit dans le cadre des contentieux ouverts par la Commission européenne pour mauvaise application de la directive "nitrates" : Paris a été condamné par la justice européenne en juin 2013 pour désignation incomplète des zones vulnérables et est en passe de l'être pour insuffisance des programmes d'actions applicables dans ces zones. Concernant ce deuxième contentieux, les arrêtés relatifs aux programmes d'actions régionaux seront tous signés par les préfets de région d'ici fin août, s'engage le ministère de l'Ecologie.
La directive nitrates fait peser des contraintes importantes sur les élevages, mais l'utilisation des engrais minéraux par les grandes cultures est en réalité plus problématique, révèle Laurent Roy, directeur de l'eau et de la biodiversité au ministère de l'Ecologie, malgré tout tenu de composer avec le texte européen. "Les aides aux éleveurs seront portées au taux maximum de l'encadrement communautaire et ces derniers bénéficieront également des mesures d'encouragement à la méthanisation", précise du même coup Elisabeth Borne. L'Ademe et l'agence de l'eau Loire-Bretagne doivent ainsi apporter leur soutien financier pour permettre la réalisation de 25 à 30 unités de méthanisation par an dans les huit bassins prioritaires en matière de lutte contre les algues vertes. L'idée est de substituer la fertilisation minérale par les digestats de méthanisation. Une mission d'inspection va par ailleurs être lancée en vue de tirer le bilan du plan de lutte contre les algues vertes de 2010.
Le ministère annonce également un appel à projets pour "identifier et développer les démarches innovantes dans les territoires" ainsi que des mesures incitatives permettant de promouvoir les cultures "pièges à nitrates".
Certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques : une mission d'inspection en cours
En ce qui concerne les pesticides, la rédaction de la deuxième version du plan Ecophyto a été confiée au député socialiste Dominique Potier. Elle doit être présentée à la fin de l'année. Comme le reconnaît le ministère de l'Ecologie, l'objectif de diviser par deux l'usage des pesticides d'ici 2018 est "loin d'être au rendez-vous".
En attendant, Ségolène Royal met en avant l'interdiction, avancée à 2016, de l'utilisation des produits phytosanitaires par les collectivités, l'interdiction définitive de l'épandage aérien, ainsi que le meilleur encadrement du traitement des "fonds de cuves" de pesticides dans le cadre du projet de loi sur la biodiversité. Une mission d'inspection relative à la mise en place de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques est par ailleurs en cours.
Mille captages prioritaires identifiés
Micropolluants : treize projets lauréats
En matière de micropolluants (résidus médicamenteux, cosmétiques, etc.), Ségolène Royal a dévoilé les lauréats de l'appel à projets lancé en juin 2013 par l'Onema, les agences de l'eau et le ministère de l'Ecologie. Treize projets bénéficieront d'une enveloppe globale de 10 millions d'euros sur la période 2014-2018. Ils sont répartis en quatre thématiques : résidus de médicaments et de cosmétiques dans l'eau (projets SMS, Cosmet'eau et Seneur), rejets hospitaliers (projets Biotech, Sipibel-Rilact et Rempar Siba), gestion intégrée des micropolluants dans les réseaux collectifs d'assainissement (projets Lumieau, Micropolis, Regard et MicroReuse), et gestion de la pollution drainée par temps de pluie (projets Matriochkas, Roulépur et Micromegas).
Le dispositif n'est pas nouveau puisqu'il date de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (Lema) de 2006 et devait déjà être appliqué sur les 500 captages prioritaires "Grenelle", qui constituent d'ailleurs la moitié de la liste des 1.000 captages présentée aujourd'hui. Quel est donc le bilan pour ces premiers captages ? Plus de la moitié ont déjà un plan d'action finalisé et un quart supplémentaire sont en cours d'achèvement, indique le ministère de l'Ecologie.
En tout état de cause, ces plans peuvent permettre d'obtenir des résultats, comme en témoignent les mesures préventives adoptées dans un périmètre de captage de l'Avesnois qui ont permis de diviser la concentration en pesticides par deux en six ans et de faire baisser les teneurs en nitrates, autorisant les communes concernées à sortir de la liste des zones vulnérables. Pour Oliver Thibault, directeur de l'agence de l'eau Artois-Picardie qui relate cette expérience, trois raisons expliquent ce succès : l'implication des élus, la construction des plans d'actions secteur par secteur, et le fait de ne pas se focaliser uniquement sur l'agriculture, ce qui permet de "relativiser la part de chacun". La réussite de telles mesures nécessite d'"entraîner les agriculteurs" dans la démarche, confirme Laurent Roy.