Il s'agit de l'action 36 du plan Biodiversité présenté le 4 juillet 2018 par Nicolas Hulot. La création du 11e parc national français en vue de protéger les forêts de feuillus de plaine est aujourd'hui effective, avec la publication de son décret de création au Journal officiel.
« Avec ce onzième parc national, la France se dote d'une référence unique pour le suivi des effets du changement climatique sur les écosystèmes forestiers de plaine et le renforcement de la naturalité des forêts », se félicite la ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne. Pourtant, un certain nombre de critiques s'élève sur le véritable degré de protection de ce nouveau parc, qui vient rejoindre les dix parcs existants. Depuis la création de celui de la Vanoise en 1963 jusqu'à celui des Calanques en 2012, les pressions des collectivités et des acteurs économiques se sont accrues, fragilisant le concept de « parc national ».
Un peu plus de 1 % en réserve intégrale
Le nouveau parc s'étend sur 241 000 hectares théoriques sur les départements de la Haute-Marne et de Côte-d'Or, dont 56 000 hectares classés en zone cœur. Parmi ceux-ci, 3 100 hectares situés dans la forêt domaniale d'Arc-Chateauvillain vont être classés en réserve intégrale laissés en libre évolution, soit un peu plus de 1 % de la surface du parc. « Elle permettra aux scientifiques d'observer la renaturation d'une forêt exploitée et de comprendre l'évolution du milieu forestier face au dérèglement climatique », explique l'Agence française pour la biodiversité (AFB).
Le classement du parc est en effet justifié par ses forêts constituées majoritairement de feuillus. « Au carrefour des influences climatiques continentale et océanique, subissant des entrées méditerranéennes et alpines, elles comptent jusqu'à plus de quinze essences d'arbres par hectare, le hêtre étant la plus courante », explique le réseau Parcs nationaux de France (PNF). « À l'échéance des quinze premières années de mise en œuvre de sa charte, le Parc (…) abritera l'une des plus vastes surfaces de forêts de plaine en libre évolution en Europe, d'au moins 6000 hectares de forêts », vante le ministère de la Transition écologique.
Ces forêts abritent également des milieux naturels divers (marais tufeux, pelouses calcaires, prairies, etc.), des espèces courantes (cerf, chevreuil, sanglier) et d'autres remarquables (chat sauvage, cigogne noire). « On observe également une flore remarquable, notamment la nivéole de printemps, le lis martagon ou le sabot de Vénus », ajoute l'AFB.
« Pacte de dupes »
Mais le périmètre du parc se caractérise aussi par une forte présence humaine, même si le territoire a perdu 25 % de sa population en 45 ans. « Témoin privilégié des liens étroits entre l'homme et la nature depuis le Néolithique, la forêt recèle et protège de nombreux vestiges archéologiques et conserve l'empreinte du travail des moines au Moyen-âge, de l'exploitation agricole, forestière, hydraulique ou métallurgique à différentes époques », explique le réseau des parcs. L'originalité du projet réside « dans la présence forte et durable de l'homme et de ses activités sur l'ensemble de son territoire, dont une importante filière forêt-bois ».
« Arrêter immédiatement les coupes de bois »
En octobre 2018, l'Autorité environnementale avait rendu un avis assez critique sur le projet de charte, puisqu'elle considérait qu'il « ne démon[trait] pas la plus-value environnementale apportée par le parc national ». Dans son avis final (1) rendu en avril dernier sur le projet de création du parc, le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) formule un grand nombre de recommandations en vue « de disposer d'un niveau d'exigence comparable à celui des autres parcs nationaux ».
Il rappelle que la chasse ne devrait pas être autorisée dans la zone cœur du parc et recommande d'« anticiper le retour naturel probable du loup ». Il préconise d'interdire les coupes de haies, d'arbres d'alignement et de boisements rivulaires, mais aussi la création de fossés et de drainage. Enfin, il demande « d'arrêter immédiatement les coupes de bois dans la réserve intégrale », cette exploitation « privant (…) la future réserve de son potentiel et de sa raison d'être ». On en oublierait presque que l'avis rendu était favorable. Il faut dire qu'il a recueilli autant de votes contre et d'abstention que de votes favorables.