Aujourd'hui, si plusieurs textes européens définissent ce type de déchets, aucune réglementation encadrant leur gestion n'existe à l'échelle communautaire. Chaque pays a mis en œuvre des mesures de gestion, selon leur interprétation des textes définissant les DASRI. Les mesures nationales qui ont émergé sont souvent divergentes, voire contradictoires, constate Sophie Delaporte.
C'est pourquoi l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie a souhaité organiser, le 22 octobre dernier, un premier colloque européen sur la gestion durable des DASRI. L'objectif était de dresser un état des lieux des différentes pratiques et de faire émerger des recommandations pour une harmonisation de ces pratiques.
Les risques liés aux DASRI
Si 75 à 90 % des déchets d'activité de soins produits ne présentent pas de risque particulier, 10 à 25 % des DASRI peuvent constituer une menace. Ceux-ci peuvent contenir des agents infectieux, des parties anatomiques, des organes, des tissus ou des fluides biologiques, ils peuvent être constitués d'objets piquants, coupants ou tranchants représentant un risque de blessure et d'infection, ils contiennent des produits chimiques dangereux, des produits pharmaceutiques ou des substances radioactives. Risques biologiques, chimiques, toxiques ou psycho émotionnel font ainsi partie des risques sanitaires liés à leur manipulation.
Les risques infectieux sont loin d'être négligeables, note Fabien Squinazi, directeur du laboratoire d'hygiène de la ville de Paris. Il y a des modalités d'élimination à respecter lors du tri, du conditionnement, de la collecte, de l'entreposage… Selon Gérard Pélissier, responsable scientifique du groupe d'étude sur le risque d'exposition des soignants (GERES), 10 à 15 % des infections proviennent de la manipulation des emballages. Il a fallu casser un certain nombre d'habitudes à risque, tel que le recapuchonnage des aiguilles.
Parmi les risques les plus graves, une transmission du VIH, de l'hépatite B et C. Jusqu'au 31 décembre 2007, 14 séroconversions VIH ont été déclarées, 61 séroconversions à l'hépatite C. Des accidents parvenus lors de prélèvements sanguins mais aussi lors d'activités de rangement, de nettoyage ou de transport des déchets d'activités de soin.
La gestion des DASRI dans les établissements de santé
En matière d'exigences, la France se situe en haut du tableau, note Gérard Pélissier. Des progrès très significatifs ont été accomplis.
En France, la gestion des DASRI est encadrée par le Code de la santé publique. Le producteur de déchet est responsable de leur élimination, c'est-à-dire du tri, de la collecte, du stockage, du transport et du traitement. Toutes ces étapes font l'objet d'une réglementation nationale stricte. Mais dans la pratique, le respect de la réglementation est confronté aux contraintes inhérentes aux professions de santé. Les DASRI doivent être traités dans les 72h suivant leur production et ce 365 jours par an, 24h sur 24. Tout un protocole a été mis en place, avec des codes couleurs selon la nature des déchets… La sensibilisation du personnel doit être continue. Dans de nombreux établissements, des personnes ressources ont été formées pour encadrer la gestion des DASRI et informer le personnel. Les établissements de santé se trouvent également confrontés à des difficultés de stockage. La plupart des bâtiments étant anciens, ils ne sont pas forcément conformes à la réglementation actuelle. Entrent alors en concurrence les mètres carrés alloué aux chambres et ceux dédiés aux déchets et linge sale, relève Catherine Chevalier, de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP). Enfin, la gestion des DASRI a un coût : 4 à 8 fois plus élevé que celui des ordures ménagères. Selon Catherine Chevalier, le tonnage de DASRI représente près de 17 % de la totalité des déchets mais constitue 47 % de la dépense. Autant dire que la gestion des DASRI doit être optimisée et la qualité du tri augmentée.
Si des marges de progrès existent, les établissements de santé ne constituent pas le cœur du problème de la gestion des DASRI.
Secteur diffus et auto traitement : le cœur du problème
Ce sont les déchets produits par les secteurs diffus (professions libérales, laboratoires d'analyse médicale), et les patients en auto traitement qui échappent aujourd'hui le plus à une bonne gestion. Les DASRI produits par ces acteurs échappent souvent à une gestion durable. Toutefois, des initiatives locales, mises en place dans certaines régions, apparaissent exemplaires. Mais pour Laurence Bouret, de Rudologia, si un certain nombre d'initiatives locales ont prouvé leur efficacité se pose néanmoins la question de leur pérennité. Les deux tiers du territoire sont couverts aujourd'hui à l'initiative de certains acteurs, principalement les collectivités locales et les pharmaciens. La mise en place de filières nationales serait positive sur le plan financier et environnemental.
C'est un sujet compliqué à traiter car il fait intervenir différents acteurs, à différents niveaux, note Jean-Marc Di Guardia. Des discussions sont en cours actuellement. L'ADEME a pour mission de définir différents scénarios. L'engagement 249 du Grenelle de l'environnement soulève la nécessité d'un cadre général pour les patients en auto traitement. On peut imaginer que sa mise en œuvre pratique peut être nuancée selon les contextes. La pharmacie sera un point privilégié pour la collecte, mais ce n'est pas l'unique point à retenir.
Un décret sur la mise à disposition de collecteurs pour les ménages via les officines devrait voir le jour d'ici la fin de l'année.