Grave accident ou catastrophe
Si le Réseau Sortir du nucléaire (RSN) juge que "ce sont bien des catastrophes nucléaires qui se déroulent actuellement au Japon dont personne ne peut deviner l'issue finale", les représentants du gouvernement récusent le terme.
Pour le ministre français de l'énergie, Eric Besson, "en l'état" le Japon fait face à "un accident nucléaire grave." Une situation que l'on ne peut cependant pas qualifier de "catastrophe" même si on ne peut "pas écarter" une aggravation de la situation. Il a par ailleurs expliqué, sur les ondes de BFM, que le terme catastrophe veut "dire très précisément que le réacteur fond et qu'ensuite, parce qu'ils n'arrivent pas à maintenir le confinement, ça s'échappe dans l'atmosphère."
Une position qui ne surprend pas France nature environnement (FNE) qui juge qu'il s'agit d'un "discours normal de la part d'un ministre qui nous a déjà dit qu'il soutenait totalement le nucléaire."
Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, reprend les éléments de langage de son homologue chargé de l'énergie. Elle a ainsi déclaré, à l'occasion d'un déplacement à Bruxelles, que "ce qui se passe au Japon est manifestement un accident nucléaire très grave." De plus, selon la ministre, "le risque de grande catastrophe ne peut être écarté."
Pour Greenpeace, Eric Besson, Henri Guaino et Nathalie Kosciusko-Morizet "ont un comportement indigne, ils font le service après-vente d'Areva et laissent entendre que le Japon, réputé pour sa sûreté nucléaire, avait pris des risques là où la France n'en prend pas."
Refroidissement des réacteurs et fusion des réacteurs
Si les technologies diffèrent, il apparaît que la question du refroidissement du réacteur est un élément crucial pour la sécurité. Ainsi, Greenpeace rappelle que "la centrale de Saint-Laurent, au bord de la Loire, a déjà subi deux accidents de niveau 4, avec fusion partielle du cœur, en 1969 et 1980."
S'agissant des circuits de refroidissement, Europe Ecologie Les Verts rappelle "la gravité du manquement à la sûreté sur les 34 réacteurs français pour lesquels l'ASN a déclaré le 7 février un incident avec cette phrase particulièrement inquiétante : « En situation accidentelle, pour certaines tailles de brèche du circuit primaire principal, l'injection de sécurité à haute pression pourrait ne pas permettre de refroidir suffisamment le cœur du réacteur. »"
Par ailleurs, Michèle Rivasi, eurodéputée EELV et fondatrice de la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), souligne les problèmes rencontrés par les pannes électriques des centrales : "sans électricité, comment faire circuler les eaux de refroidissement ? Quelles solutions ont trouvé les autorités : les centrales sont-elles désormais reliées à des sources d'énergie extérieures ? Les groupes électrogènes seront-ils suffisants pour maintenir le refroidissement ?"
Etat des risques sismiques en France…
Etant donnés les circonstances japonaises, les ONG questionnent les risques liés à la menace sismique. Ainsi, l'ONG Robin des Bois rapporte les propos tenus en 2001 par le directeur adjoint de la Division nucléaire du ministère japonais de l'industrie et le responsable sécurité de l'Autorité japonaise de sécurité nucléaire et industrielle japonaise (NISA). "Les centrales sont équipées de façon à résister aux séismes, en maintenant à un niveau adéquat les fonctions de sûreté telles que l'arrêt de la réaction nucléaire, le refroidissement du réacteur et le confinement des matières radioactives en réponse à n'importe quelles sollicitations sismiques concevables sur le site", écrivaient les deux officiels japonais dans la revue Contrôle éditée par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) française.
S'agissant des normes françaises appliquées au parc nucléaire, Robin des Bois rapporte estime qu'"il est faux de dire que la Règle fondamentale de sûreté française sur la détermination du risque sismique pour la sûreté des Installations nucléaires de Base (INB) datant de 2001 est révisée régulièrement", précisant que "le ministère de l'écologie souhaite une refonte de cette Règle, la filière nucléaire est réticente."
Un avis partagé par l'eurodéputé EELV Michèle Rivasi qui explique que "le réseau Sortir du Nucléaire avait révélé en juillet 2007 que les centrales nucléaires françaises n'étaient pas aux normes sismiques et qu'EDF avait falsifié les données sismiques de ses centrales nucléaires pour ne pas supporter des travaux de mise aux normes trop onéreux."
… et des risques de submersion
De la même manière, la question des risques de submersion des sites français est posée. Ainsi, FNE juge que "toutes nos centrales de bord de mer ont une fragilité particulière face aux coups de mer et aux risques de submersion marine." À ce sujet FNE pointe "l'alerte du Blayais [Gironde], fin 1999, où une catastrophe provoquée par un mascaret fut évitée de justesse." Une alerte évoquée par Greenpeace qui estime qu'à cette occasion la centrale "a frôlé l'accident grave lors de la tempête qui avait secoué tout le pays."