La loi Grenelle 2 avait prévu le principe de la déclaration des nanoparticules. Deux décrets, parus le 19 février au Journal officiel, viennent mettre en œuvre cette obligation légale. Le dispositif réglementaire doit encore être complété par arrêté interministériel.
Déclarer l'identité, les quantités et les usages des substances
Des applications multiples
Les nanoparticules sont utilisées dans de très nombreux produits comme les médicaments mais aussi les téléphones portables, les micro-ordinateurs ou encore des articles de consommation courante comme des lunettes, des chaussettes ou des raquettes de tennis.
"Le dispositif a pour objet de mieux connaître ces substances et leurs usages, de disposer d'une traçabilité des filières d'utilisation, d'une meilleure connaissance du marché et des volumes commercialisés et enfin de collecter les informations disponibles sur les propriétés toxicologiques et écotoxicologiques", indique le ministère de l'Ecologie.
L'obligation concerne chaque fabricant, importateur et distributeur d'une substance à l'état nanoparticulaire "en l'état ou contenue dans un mélange sans y être liée, ou de matériaux destinés à rejeter cette substance dans des conditions normales ou raisonnablement prévisibles d'utilisation", dès lors qu'il produit, importe ou distribue au moins 100 grammes par an de cette substance.
Comment la substance nanoparticulaire est-elle définie ? C'est, précise le décret, une "substance telle que définie à l'article 3 du règlement (CE) n° 1907/2006, fabriquée intentionnellement à l'échelle nanométrique, contenant des particules, non liées ou sous forme d'agrégat ou sous forme d'agglomérat, dont une proportion minimale des particules, dans la distribution des tailles en nombre, présentent une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1 nm et 100 nm". Le texte prévoit que cette proportion minimale peut être réduite dans des cas spécifiques selon des conditions qui seront précisées par arrêté ministériel. Les fullerènes, les flocons de graphène et les nanotubes de carbone à paroi simple présentant des dimensions externes inférieures à 1 nm sont d'ores et déjà à considérer comme des substances à l'état nanoparticulaire.
La déclaration doit être adressée au ministre chargé de l'environnement avant le 1er mai de chaque année, à compter de 2013. Se rapportant à l'année civile précédente, la première déclaration portera donc sur les données de 2012. Le défaut de déclaration peut donner lieu à une amende administrative pouvant atteindre 3.000 euros et une astreinte journalière de 300 euros.
Données gérées par l'Anses
Les déclarations, ainsi que les données qu'elles contiennent, sont gérées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Lors d'une table ronde sur l'application de la loi Grenelle 2 à l'Assemblée nationale en octobre dernier, cette dernière s'était inquiétée "du volume et de la qualité de l'information qu'elle aura à gérer et des modalités de sa restitution".
Les informations relatives à l'identité et aux usages des substances déclarées doivent en effet être mises à la disposition du public chaque année six mois après la date limite de déclaration. Mais le décret prévoit la possibilité pour les déclarants de demander à ce que les informations restent confidentielles lorsque leur diffusion pourrait porter atteinte au secret industriel et commercial. Le Medef avait souligné, lors de la table ronde d'octobre, "la nécessité que le secret commercial demeure adéquatement protégé".
Le deuxième décret précise les organismes auxquels l'Anses peut transmettre les informations qu'elle détient. Il s'agit de l'Afssaps, de l'InVS (2) , de l'INRS, de l'Ineris et des organismes chargés de la toxicovigilance. "Cette mise à disposition est effectuée, à la demande des organismes (…), à des fins d'évaluation des risques et dans la limite des informations correspondant à leur domaine d'expertise", précise le texte.
Une information suffisante des consommateurs ?
Le consommateur sera-t-il réellement informé ? Le récent rapport des députés Bertrand Pancher (UMP - Meuse) et Philippe Tourtelier (SRC - Ille-et-Vilaine) sur l'application de la loi Grenelle 2 soulignait la perplexité de certains acteurs associatifs quant à l'utilité pratique du dispositif, même s'ils se félicitaient du caractère obligatoire de la déclaration: "le consommateur connaîtra bien à l'avenir la composition exacte du produit qu'il acquiert, mais il ne sera pas pour autant en mesure d'évaluer justement les risques inhérents à l'exposition à ce type de substance".
Par exemple, soulignaient les députés, "le nanotitane contenu dans certaines crèmes solaires sera mentionné sur l'emballage de ces dernières – ce qui constitue bien la première étape d'une pédagogie de la prévention – mais le risque encouru ne sera en aucun cas identifié". Or, selon certaines études, le dioxyde de titane sous forme nanométrique présenterait un caractère cancérogène et génétoxique.
L'Anses elle-même, toujours lors de la table-ronde d'octobre à l'Assemblée nationale, annonçait "beaucoup de difficultés pour mesurer précisément le degré d'exposition du grand public ou de certaines populations-cibles" et mettait en garde quant "au manque de données fiables disponibles aujourd'hui sur la caractérisation des dangers liés aux nanomatériaux".