Ça défigure nos paysages, dénonce Michel Blain, de l'association Paysage de France, qui milite depuis des années pour une meilleure application de la loi en vigueur mais aussi pour une clarification des textes.
Car l'affichage publicitaire extérieur, apparu dans les années 60, est encadré par la loi depuis 1979. Cette loi est très peu respectée aujourd'hui... La situation est désastreuse. Il y a une multiplication d'affichages dont la moitié est illégale. La réglementation est trop peu appliquée, il faut faire davantage respecter la loi.
Une réglementation complexe…
Le maire ou le préfet ont autorité conjointe à faire appliquer la loi aujourd'hui. Mais beaucoup d'infractions passent encore inaperçues aux yeux de ces autorités. Et pour cause !
Aux abords de la RN 20, même le plus grand spécialiste de publicité extérieure y perdrait son latin ! Ce panneau est-il légal ? entend-on a bord du bus qui emmène la Ministre le long de la nationale. Un spécialiste tente de donner une réponse ! A priori non. La hauteur n'est pas légale, à moins que le publicitaire ait obtenu une dérogation…
Car les dérogations semblent légion… Si une réglementation nationale, jugée trop complexe par les associations, encadre la publicité extérieure, celle-ci peut-être adaptée au niveau local, créant ainsi une multitude de règles, autorisations, dérogations…
La loi encadrant l'affichage extérieur (loi n°79-1150 du 29 décembre 1979) vise à permettre la liberté d'affichage tout en assurant la protection du cadre de vie et des paysages. Le texte règlemente les dimensions, les hauteurs et les emplacements des dispositifs publicitaires là où ils sont admis et défini les zones où la publicité est interdite (hors agglomération, zones protégées, parcs naturels, monuments historiques…). Un règlement local de publicité (RLP) peut venir compléter la réglementation nationale. Pris à l'initiative du conseil municipal, le RLP définit en principe des règles plus restrictives que la réglementation nationale pour protéger certains sites. La réalité est toute autre… Paradoxalement, un RLP peut être beaucoup plus laxiste que la loi et réintroduire la publicité là où elle est interdite, explique Michel Blain. En 2006, le MEEDDAT a comptabilisé 1 189 RLP communaux et 50 RLP intercommunaux.
… et mal appliquée
Les RLP ne sont pas forcément nécessaires ! Il suffirait dans un premier temps de faire appliquer la loi existante, note le défenseur des paysages.
En 2006, 6.350 déclarations préalables ont été déposées contre 7.741 en 2003 selon le MEEDDAT. 2.397 procès verbaux ont été dressés, suivis de 1.508 mises en demeure. Selon le ministère, la réalité de terrain montre que beaucoup de procès verbaux ne sont pas exploités. De même, l'utilisation des amendes administratives est tout à fait marginale. Après un délai de 15 jours de mise en conformité, il est prévu par la loi une amende de 92 € par jour pour chaque installation publicitaire non conforme.
Pourquoi un tel laxisme ? Certains maires sont réticents à faire appliquer la loi… Prenons l'exemple d'un élu qui s'est battu pour obtenir une zone d'activité sur son territoire. Il est délicat pour lui de dire aux supermarchés qui sont venus s'y installer que leurs affichages sont illégaux… explique Michel Blain. Il y aussi les contrats de mobiliers urbains passés entre les municipalités et les publicitaires. Mobiliers urbains et publicités extérieures mobilisent les mêmes acteurs. Les élus ferment donc les yeux sur les seconds pour pouvoir louer les premiers… Les intérêts financiers sont considérables. Les gains perçus dépendent du quartier où l'affichage est installé. Une publicité installée sur la façade d'un immeuble en bord du périphérique parisien peut rapporter jusqu'à 100.000 € par mois… Face à ça, les associations de défense du paysage apparaissent comme des petits poucets.
Grand oublié du Grenelle de l'environnement, le sujet devrait faire l'objet d'une session de rattrapage à l'automne selon la secrétaire d'Etat à l'Ecologie : Les acteurs participant au Grenelle de l'environnement n'étaient pas spécialisés sur les questions de paysage, cette question a très peu été abordée… Je voudrais qu'à l'automne, à l'occasion du vote parlementaire des lois Grenelle, soient organisées des Assises du paysage pour revenir sur cette question.
Les associations demandent plus que l'application des textes existants, une révision des textes : Nous revendiquons une diminution de la taille des panneaux publicitaires qui sont trop intrusifs aujourd'hui… Nous souhaiterions également que les affichages extérieurs soient soumis à autorisation, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, commente Michel Blain.
Des initiatives locales pour encadrer l'affichage extérieur
En attendant, un certain nombre d'initiatives apparaissent ça et là pour s'attaquer à ce phénomène. Dans le Val de Loire, depuis février 2006, une charte d'excellence, établissant des bases cohérentes pour l'élaboration de règlements locaux de publicité, a été mise en œuvre afin de protéger ce site inscrit depuis 2000 au Patrimoine mondial de l'UNESCO. Professionnels de l'affichage, collectivités territoriales, associations départementales, parc naturel régional et services déconcentrés de l'Etat se sont assis autour de la même table afin d'élaborer une charte encadrant plus strictement l'affichage extérieur. Si aujourd'hui tout n'est pas réglé et que des infractions sont encore relevées, la charte a permis néanmoins d'assainir la situation et d'ouvrir le dialogue.