C'est dans un contexte de tensions et après plusieurs mois de consultation, que Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, a présenté le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (AAAF), le 13 novembre en Conseil des ministres. Le texte devrait être soumis à l'examen des parlementaires début 2014. "Ce texte s'inscrit dans un cadre européen, a rappelé le ministre. Cette loi vient après les négociations de la politique agricole commune" (PAC).
Les 39 articles de ce projet de loi visent à concilier performances économiques et environnementales, piliers du projet national agro-écologique porté par Stéphane Le Foll. Selon lui, il s'agit d'inscrire l'agriculture à la fois dans le redressement productif de la France et dans la transition écologique. "Je voudrais qu'enfin on puisse considérer que l'environnement n'est pas une charge, un coût supplémentaire, mais une opportunité pour l'agriculture".
Parallèlement, l'établissement national FranceAgrimer a été chargé d'élaborer, d'ici la fin de l'année, des plans stratégiques filières par filières à l'horizon 2025.
Les GIEE, pilier de la loi d'avenir
Le projet de loi crée les groupements d'intérêt économique et écologique (GIEE), autrement dit des collectifs d'agriculteurs qui bénéficieront d'une priorité ou de majorations des soutiens publics (notamment des aides du second pilier de la PAC). L'objectif : "Conforter la transition de l'agriculture vers des systèmes agro-écologiques en s'appuyant sur des dynamiques collectives, ancrées dans les territoires". Chaque GIEE regroupera des exploitants agricoles mais aussi d'autres acteurs (collectivités, associations, monde économique) souhaitant "développer une dynamique de changements des pratiques agricoles au service de la double performance économique et environnementale", souligne le compte-rendu du Conseil des ministres. Ces actions s'inscriront dans le cadre d'un plan régional d'agriculture durable, co-construit par l'Etat et la région et déclinant les orientations du projet agro-écologique pour la France.
Mieux gérer le foncier agricole
La disparition des terres agricoles et l'agrandissement excessif des exploitations sont deux enjeux prioritaires pour l'agriculture, que le projet de loi tend à limiter. Pour cela, la gouvernance des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) va évoluer, en intégrant désormais trois collèges : agriculteurs, collectivités et enfin Etat et associations. Les autorisations d'exploiter privilégieront l'installation, la diversité des systèmes de production et l'emploi.
Comme le préconisait la Cour des comptes récemment dans un référé, le champ de l'Observatoire national de la consommation des espaces agricoles (ONCEA) sera étendu à la consommation des espaces naturels et forestiers. De même, les commissions départementales de la consommation des espaces agricoles, créées par la loi de modernisation agricole (LMA) de 2010, vont évoluer et devenir des commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Celles-ci seront chargées d'émettre des avis sur les documents d'urbanisme (plans locaux d'urbanisme, cartes communales), avis qui pourront être contraignants. Le schéma de cohérence territoriale (Scot) devra quant à lui intégrer des objectifs chiffrés de consommation économe des espaces agricoles, naturels et forestiers et de lutte contre l'étalement urbain.
Santé publique : plus de contrôle et de transparence
Le projet de loi prévoit que le suivi environnemental des produits phytosanitaires soit étendu à toute la durée de leur utilisation et non, comme aujourd'hui, avant la demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM). Cette évolution était inscrite dans un projet de loi déposé en juillet dernier par des sénateurs socialistes. Le texte visera également une "utilisation plus ciblée des produits phytopharmaceutiques, en orientant le développement et les pratiques vers des méthodes alternatives de protection des cultures". De même, la lutte contre l'antibiorésistance sera renforcée (objectifs de réduction, encadrement des pratiques, promotion des bonnes pratiques …).
Et pour accroître la transparence sur ces questions de santé publique, les résultats des contrôles sanitaires et vétérinaires menés dans les établissements (cantines, restaurants, ateliers de transformation) deviendront accessibles au grand public.
Former les professionnels et soutenir les jeunes
"La mobilisation de la formation initiale et continue est une condition nécessaire à la réussite d'un changement substantiel des pratiques et systèmes agricoles", souligne la communication de Stéphane Le Foll. Un Institut agronomique et vétérinaire de France sera créé pour renforcer les coopérations de l'enseignement supérieur et de la recherche. "Priorité sera donnée à la formation des professionnels et à celle des enseignants, ainsi qu'au rayonnement international de l'enseignement supérieur et de la recherche agronomique et vétérinaire". Plusieurs mesures viseront à améliorer l'enseignement agricole, secondaire et supérieur, et à soutenir les jeunes agriculteurs. "Le projet de loi apporte de nouveaux outils d'accompagnement pour tous les jeunes agriculteurs et les nouveaux installés de plus de 40 ans, y compris pour des installations progressives, dans le cadre familial ou en dehors", précise la communication du ministre. Le contrat de génération sera adapté aux agriculteurs.
Forêts : un document unique d'orientation
Enfin, le projet de loi prévoit l'élaboration d'un Programme national de la forêt et du bois, document unique définissant les orientations de la politique forestière. Pour le ministre, "développer la gestion durable et multifonctionnelle des forêts, mieux valoriser les ressources en bois dont dispose notre pays sont des enjeux majeurs pour les quelques 30% du territoire couverts par des forêts et les activités économiques de la filière bois". Un fonds stratégique pour la forêt et le bois sera créé pour mobiliser et valoriser la ressource en bois. Plusieurs mesures fiscales allant dans le même sens seront intégrées dans le projet de loi de finances 2014 (création d'un compte d'investissement forestier et d'assurance et rénovation du dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement). Celles-ci ont été détaillées lors de la présentation, en octobre dernier, du plan d'action pour les industries de transformation du bois.
Comme pour les agriculteurs, des Groupements d'intérêt économique et environnemental forestiers (GIEFF) viseront à encourager les démarches collectives des propriétaires forestiers à l'échelle d'un petit massif forestier "pour une gestion forestière coordonnée permettant une meilleure mobilisation du bois et une meilleure performance environnementale".