Jean-Pierre Hannequart : Ces dernières années, grâce aux élus, les européens ont été de mieux en mieux informés par des campagnes locales sur les vertus de la collecte sélective. Mais, nous pensons qu'il faut aller plus loin. Pour réduire de 100 kilos (habitant/an) le poids des déchets municipaux, qui avoisinent aujourd'hui les 600 kilos, les villes et régions doivent s'organiser. En particulier pour influer sur les consommateurs au moment de leurs achats. Trier ne suffit plus ! Maintenant, il faut trier nos choix de consommation avant de trier nos déchets. En novembre 2008, soit un an avant le lancement officiel de la semaine européenne de réduction des déchets, un projet LIFE inspiré du modèle français et réalisé en partenariat avec l'ADEME, et porté par notre association a donc décidé avec quelques villes (Porto, Bruxelles, San Sébastien, Barcelone…) de s'engager en lançant une première séries d'actions. Pour l'ACR+, c'est une façon de prendre une longueur d'avance.
AE : Pourquoi harmoniser la communication ? Quel intérêt les villes et les régions ont-elles, selon vous, à communiquer avec des slogans identiques ?
JPH : On ne peut pas jouer la carte Europe que pour obtenir des subventions ! En matière d'environnement, il faut consolider le travail d'équipe car un message est plus fort quand il est destiné à un plus grand nombre. A l'ACR+, nous sommes une association de 90 villes et régions d'autorités publiques et nous avons l'appui des autres grands réseaux européens comme Eurocities. A compter de 2009, villes et régions d'Europe devront donc s'engager, unies, dans une campagne permanente de réduction des déchets et la semaine européenne ne sera qu'un point d'orgue. Pour convaincre les uns et les autres, nous souhaitons dire aux élus : partageons toutes nos expériences, mettons en commun certaines initiatives, réajustons certains outils et développons pendant une même période la sensibilisation. Il ne s'agit pas de réinventer la roue ! Par exemple, pour promouvoir le compostage individuel, pourquoi chacun écrit son guide de son côté ? Un même volume rassemblant les expériences des uns et des autres serait bien plus efficace !
AE : La Présidence française devrait donc vous êtes favorable puisque c'est une idée de Paris à l'origine, non ?
JPH : Nous comptons effectivement beaucoup sur la Présidence française pour véritablement officialiser le concept. Nos contacts avec l'ADEME, le Ministère en charge de l'Environnement et avec l'Association des Maires de France sont bons. Par ailleurs, nous avons des contacts privilégiés avec les municipalités de Lille (Cercle National du Recyclage) et de Nantes et Rennes. Paris ? La ville a même adopté un plan de prévention et de réduction des déchets et semble sérieusement vouloir être un acteur actif de la campagne. C'est encourageant tout cela !
AE : Dans quels secteurs peut-on faire des économies de ressources et diminuer le volume des déchets ?
JPH : Par exemple, il y a un gisement qui est très important dans le secteur des bureaux. L'administration, mais aussi les entreprises privées, génèrent beaucoup de papier dont le poids est finalement aussi important que le poids des déchets ménagers. Il faut une vraie sensibilisation intelligente à l'utilisation des outils informatiques. Si les gens impriment systématiquement recto-verso, ou bien deux feuilles sur une même page, ou si des collègues partagent mieux leurs équipements, les chiffres s'amélioreront. Nos études le prouvent, il doit être possible de réduire de 20 à 30% la consommation de papier dans toutes les bureaucraties ! Avec une petite sensibilisation, une motivation réelle des élus ou des chefs d'entreprise et avec la nomination d'un animateur sur le lieu de travail pour veiller à l'application des mesures, ce sera possible. Autre exemple ? Les particuliers veulent de plus en plus que la municipalité taille les haies, tonde les pelouses…Vous pouvez éduquez d'abord les gens à utiliser des tondeuses qui coupent en fines particules pour éviter d'avoir à ramasser. Cela a l'avantage de réduire la part des transports et de ne pas mettre sur pied des collectes, des camions… Cela peut paraître absurde mais il faut l'expliquer.
AE : Réduire à la source et consommer moins, c'est un message difficile à faire passer et très peu politiquement correct, non ?
JPH : Au niveau des pouvoirs publics, l'argument consiste à dire que si l'on produit moins de déchets, le budget public nécessaire pour gérer et traiter les déchets s'en trouve réduit. Je pense que le moteur qui fait généralement bouger les lignes : c'est l'argent ! Par exemple, au niveau des collectivités locales c'est en travaillant à la source que on parvient à faire bouger dans le sens du compostage à la source. La fréquence des collectes s'en trouve ainsi modifiée donc… le budget consacré à la collecte et au traitement des déchets s'en trouve amoindri. Il est tout de même plus intéressant d'investir de l'argent public dans de l'information, de la sensibilisation et de la communication pour convaincre le citoyen de trier ses achats, plutôt que de se contenter de convaincre le citoyen de trier ses déchets. Il faut renverser la vapeur.