Le calendrier est assez étonnant. Le lendemain même d'un déplacement de la Première ministre consacré à la protection de la biodiversité, le premier texte signé conjointement par les ministres chargés de la Transition écologique et de l'Agriculture suspend l'interdiction de broyage et de fauchage des jachères. Cette interdiction portait sur une période de quarante jours consécutifs, entre le 1er mai et le 15 juillet, en vue de prévenir la destruction ou de favoriser le repeuplement du gibier.
« L'invasion de l'Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, a provoqué une forte hausse des prix des produits agricoles et une incidence sur l'offre et la demande. Pour remédier à ces situations, il convient d'accroître le potentiel de production agricole de l'Union européenne, tant pour l'alimentation humaine que pour l'alimentation animale », justifie le ministère de la Transition écologique. Cet arrêté fait suite au feu vert donné par la Commission européenne, en mars dernier, et à un premier arrêté signé par le précédent ministre de l'Agriculture établissant des dérogations dans le cadre du paiement pour les pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l'environnement. Ce dernier texte, qui n'avait pas été soumis à la consultation du public bien qu'il ait manifestement une incidence sur l'environnement, autorise l'utilisation de pesticides sur les jachères mises en culture, pâturées ou fauchées.
Le nouvel arrêté, quant à lui, a été soumis à la consultation du public par le ministère de la Transition écologique, fin avril. Bien qu'il ait recueilli 187 commentaires, aucune synthèse de cette consultation n'est en ligne à ce jour. Les commentaires étant toutefois visibles, il semble qu'une grande majorité lui était défavorable. Parmi les opposants figure la Fédération nationale des chasseurs (FNC). « Ces jachères constituent un apport essentiel pour protéger la biodiversité en zones de plaine, et le broyage de ces parcelles écologiquement précieuses occasionnera une mortalité supplémentaire des populations d'espèces inféodées aux milieux agricoles. En effet, ces jachères sont des zones de refuge et d'alimentation pour la petite faune tout au long de l'année », explique la FNC, qui fait part de son incompréhension.
En France, les surfaces en jachères représentent près de 300 000 hectares, soit plus de 1 % de la surface agricole utile, rappelait, fin mars, le ministère de l'Agriculture. « Ce n'est pas le retour en production de mauvaises terres agricoles qui va aider à répondre à la problématique de spéculation des cours des denrées générée par la potentielle perte de 161 millions de terres agricoles russes et ukrainiennes », pointe la FNC.