Mi-septembre, Serge Bardy a rendu public son rapport "France, terre d'avenir de l'industrie papetière (1) ", réalisé à la demande de Matignon. Constatant qu'il n'y a pas de filière du papier recyclé, le député SRC de Maine-et-Loire propose de créer une filière cellulose plus large qui s'appuierait sur l'économie circulaire.
Le 16 septembre, Ségolène Royal a reçu le rapport et annoncé dans la foulée le lancement de trois mesures. Elle entend inscrire un objectif d'harmonisation progressive des consignes de tri dans la loi de transition énergétique, généraliser progressivement le tri du papier par les entreprises et accélérer la dynamique grâce à un Etat exemplaire. La troisième mesure, limité au seul ministère de l'Ecologie, consiste en une obligation de tri des papiers, qui s'appliquera dès fin 2015, et un objectif de 25% d'achat de papier recyclé non ou peu blanchi en 2017, puis de 40% à l'horizon 2020. "La ministre invite les autres ministères à suivre cet exemple", précise le ministère de l'Ecologie
L'économie circulaire, seule solution pour la filière cellulose
"Il n'existe pas de filière de papier recyclé en France", constate le député précisant que "le papier recyclé ne constitue pas une filière à part entière". En effet, le marché de destination est "assez varié" (papier graphique, papier d'emballage ou papier ouate) et de nouvelles applications convoitent le gisement de fibre cellulose (notamment les biocarburants et les nanotechnologies).
Par ailleurs, Serge Bardy estime que la production est une composante de la chaîne de valeur, mais qu'elle ne constitue pas à elle seule une filière. Si la chaîne de valeur intègre le gisement de vieux papiers, "la dimension de filière ne peut pas être accolée seulement au papier recyclé : celui-ci n'est qu'un sous-ensemble du recyclage du papier".
Pour y remédier, "l'économie circulaire (…) doit être déployée au sein d'une filière cellulose". Il s'agirait même de "la seule chance de donner un avenir à cette filière cellulose".
Cette chaîne de valeur emploie de 200.000 à 250.000 personnes, si l'on prend en compte la totalité des acteurs, de la filière bois jusqu'à l'industrie des arts graphiques. Mais en 2010, le déficit commercial français s'élevait à 7 milliards d'euros pour le papier, le carton et la pâte à papier. Quant à la communication graphique, elle représente environ 2,3 % du PIB.
Concrètement, la filière papier présente aujourd'hui des situations très diverses. Le papier graphique, menacé par le numérique, est en régression, le papier d'emballage dépend principalement de la situation économique locale mais reste relativement préservé par la dynamique des envois postaux, les papiers hygiène connaissent une croissance forte, compte tenu de la démographie mondiale et de la diversification des supports proposés, et la ouate de cellulose, utilisée dans la construction notamment, reste encore un marché embryonnaire.
Pour améliorer cette situation, le rapport préconise de créer une filière cellulose qui "[intégrerait] les marchés carton-emballage hygiène et papier graphique, tout en laissant la possibilité de développer et d'accompagner l'essor de nouveaux marchés". La réussite de cette démarche est indissociable de la mise en œuvre et du déploiement d'un modèle organisationnel d'économie circulaire, estime le député.
Les 34 chantiers du député Bardy
L'éco-organisme des papiers soutient le rapport
Ecofolio soutient les mesures proposées dans le rapport. Ces recommandations "sont dans le droit fil de ce que l'éco-organisme préconise depuis sa création", explique-t-il, jugeant que "les 34 chantiers proposés sont des leviers essentiels" pour rendre la filière papier plus compétitive.
"Ecofolio sera aux côtés de l'ensemble des acteurs du recyclage pour mettre en mouvement ces chantiers", explique Géraldine Poivert, directrice générale, ajoutant que "le 35ème chantier est celui du passage à l'acte. La France doit devenir dans les prochaines années la 1ère industrie européenne du recyclage".
Pour Ecofolio, trois chantiers sont particulièrement importants : la séparation systématique à la source des produits fibreux, l'unification nationale des consignes de tri et la généralisation de l'apport volontaire des produits fibreux des ménages.
S'agissant de l'organisation de la filière, Serge Bardy propose notamment d'identifier et nommer un chargé de mission national et de créer un portail de la filière dédié aux compétences, sous la forme d'une plateforme de profilage des personnels classés par activité et par bassin. Il recommande aussi d'accompagner la mise sur pied d'un projet cellulose porté par une logique de pôle de compétitivité ainsi que la mise en place d'un dispositif de sécurisation des paiements entre papetiers et récupérateurs.
Les industriels du secteur sont aussi invités à améliorer leurs procédés et moyens de production. Le député propose notamment de les inciter à "avoir recours au mix énergétique (sic)" pour réduire le coût de leur approvisionnement énergétique, d'engager une réflexion sur les combustibles solides de récupération (CSR), de réutiliser les énergies fatales (2) .
Quant à la mobilisation des ressources recyclables, il recommande une série de mesures relativement classiques : standardiser et unifier la consigne de tri et la signalétique associée sur le territoire national, interdire la mise en décharge des vieux papiers, ou encore orienter le flux papier pour une valorisation maximale autre que la méthanisation ou la combustion. La généralisation de l'apport volontaire des produits fibreux des ménages et le développement de la tarification incitative sont aussi au programme. Il suggère enfin de séparer systématiquement à la source les produits fibreux et non-fibreux, c'est-à-dire séparer la collecte des papiers-cartons et des autres déchets recyclables.
Pour les entreprises, il suggère d'instaurer une obligation de détention d'un certificat de recyclage des papiers pour les établissements privés ou publics de plus de 20 postes d'employés de bureau et d'établir des clauses environnementales dans les appels d'offres publiques.
Le soutien au papier recyclé pourrait être amélioré en augmentant progressivement le delta du barème Eco Différencié (3) entre supports contenant majoritairement des fibres recyclées et supports à base de fibres vierges issues de forêts gérées durablement, ou encore "[en faisant] évoluer la demande de papier recyclé en termes de volume et de qualité". Il propose aussi d'imposer le marquage obligatoire du papier et des supports de communication afin de valoriser les démarches éco-responsables.