La manipulation des pesticides est en effet une source majeure de problèmes sanitaires chez les agriculteurs et autres professionnels utilisant ces produits (entretien des espaces verts) d'autant que cela concerne un million de personnes. La mutualité sociale agricole (MSA) a présenté les résultats de son dispositif Phyt'attitude, réseau de signalement des cas d'intoxication aiguë des professionnels agricoles. Depuis que le réseau a été mis en place en 2004, 1.500 à 1.600 dossiers ont été constitués. Les trois-quarts des symptômes recensés sont cutanés, digestifs, neuromusculaires et ophtalmologiques. 57,2% des personnes ont eu recours à une intervention médicale et 30,6% des salariés ont eu un arrêt de travail.
Des situations d'exposition variées…
Les conditions d'exposition peuvent être directes ou résulter de la préparation, de l'application des produits mais aussi du contact avec les végétaux traités et du nettoyage du matériel. Les opérations de réglage, le relâchement de vigilance lors d'un long traitement ou encore l'absence de gestes d'hygiène (lavage de mains) sont autant de causes d'intoxication. Plusieurs études ont également démontré que la dose reçue par les utilisateurs n'était pas liée à la surface traitée mais plutôt au type de produit, aux méthodes d'application et aux équipements de protection (EPI) utilisés. Ces EPI ont ainsi une importance primordiale. Pourtant certains sont loin d'assurer les fonctions attendues. Une étude de l'Afsset réalisée sur des combinaisons a ainsi démontré que les performances affichées par les fabricants étaient moindres en réalité.
À cette protection parfois médiocre, s'ajoute la méconnaissance des produits, de leur dangerosité et des moyens de s'en protéger : ''les agriculteurs ne comprennent pas l'ensemble des informations fournies sur les fiches de données de sécurité'', a témoigné Sybille Czerniakowski de la coopérative Cap Seine. ''Il faudrait simplifier ces informations'', ajoute-t-elle. Amandine Paillat de l'Afsset rappelle quant à elle qu'il existe plusieurs types de combinaisons en fonction des produits utilisés mais que sur les emballages de produits, il est seulement marqué ''porter un EPI adapté'' sans préciser le type. Pour Alain Garrigou de l'Université Bordeaux 1 & 2, l'usage des pesticides nécessite par conséquent ''un niveau de connaissance et de technicité élevée. On est sur des questions de transfert de technologie'', selon lui.
…difficiles à maîtriser
La gestion du risque chimique reste toutefois plus difficile à maîtriser en milieu agricole que dans le monde industriel. Depuis 1999, des Commissions Paritaires d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail ont été créées afin de permettre aux entreprises et exploitations agricoles n'ayant ni Comités d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail, ni de Délégué du Personnel (à savoir essentiellement celles ayant moins de 10 salariés), de bénéficier à leur tour d'une instance d'échange sur les questions de santé et de sécurité au travail. Cependant selon Henri Rocoulet, élu de Picardie et Président du Comité de Protection Sociale des Salariés de la MSA, seul une vingtaine de commissions est en place, et la moitié seulement fonctionne. Si l'élu constate que ''les conditions de travail s'améliorent en agriculture'', il ne veut pas s'en contenter aux regards des risques émergents notamment sur les effets à long terme : ''sur ce dossier, restons vigilants, faisons tout pour que les pesticides ne soient pas demain l'amiante de l'agriculture''.
La MSA envisage de développer la sensibilisation et l'information des professionnels. Un nouvel étiquetage des produits plus simple et lié aux EPI pourrait voir le jour en partenariat avec les fabricants. Le suivi sanitaire des agriculteurs pourrait également être renforcé par l'intégration d'un questionnaire santé dans le recensement agricole national 2010. La formation aux techniques alternatives aux pesticides n'est pour l'instant pas l'une de ces priorités même si ces sujets sont évoqués localement.