Mercredi 11 décembre, la Commission européenne présentait son Pacte Vert pour l'Europe par la voix de sa nouvelle présidente Ursula Van Der Leyen. « Stratégie de croissance », « transition juste », « révision législative », seront les maîtres-mots de cette politique environnementale quinquennale. « La présentation du Green deal comme premier acte politique de la nouvelle Commission européenne ouvre la voie à une ambition forte pour le climat et la protection de l'environnement », ont réagi les ministres françaises Élisabeth Borne et Brune Poirson (transition écologique), et Amélie de Montchalin (affaires européennes). Mais plusieurs conditions vont devoir être réunies pour garantir l'application de cette feuille de route.
Des États membres qui doivent jouer le jeu
Au regard du fonctionnement des institutions européennes, les États membres auront une certaine latitude pour négocier le niveau d'ambition avec le Parlement européen. Réunis en Conseil jeudi 12 décembre, ils ont donné un premier signal en annonçant que le Conseil « fait sien l'objectif consistant à parvenir, d'ici 2050, à une UE neutre pour le climat ». Mais un État membre n'a pas souhaité se joindre à cette déclaration. La Pologne estime ne pas pouvoir s'engager à mettre en œuvre cet objectif pour l'instant. Il lui faudra plus de temps et surtout de clarté sur le soutien disponible dans le budget de l'UE.
L'annonce reste malgré tout historique selon certains observateurs : « L'une des plus grandes économies et l'un des plus grands blocs commerciaux du monde s'est engagé en faveur de la neutralité climatique en 2050. Cela signifie que l'Europe s'engagera dans une transformation fondamentale de son économie et que tous les acteurs de la société doivent participer à la conception d'un avenir vert et socialement juste », estime Laurence Tubiana, directrice générale de la Fondation européenne pour le climat. « Le manque d'engagement de la Pologne ne l'exempte pas de l'obligation d'appliquer la législation européenne [qui] prévoit déjà une augmentation régulière des ambitions. Et le plan récemment publié du Green deal fixe un nouveau rythme, beaucoup plus élevé, de verdissement de toutes les politiques européennes. La Pologne ne sera pas en mesure de l'arrêter », analyse Lidia Wojtal, experte polonaise en diplomatie climatique et ancienne négociatrice de la conférence des parties (COP) polonaise de 2018.
Un budget à la hauteur des enjeux
Pour Greenpeace, au contraire, la mauvaise volonté de la Pologne « signifie que l'Union européenne arrivera sans doute les mains vides à Glasgow, pour la COP 26, qui doit voir la mise en application de l'Accord de Paris. » Si les ambitions européennes en matière climatique sont conditionnées à un accord sur le budget 2121-2127, comme le laisse entendre la Pologne, le timing sera en effet mauvais.
Les dissensions sur le montant (entre 1 000 et 1 300 milliards d'euros) et la répartition du budget européen sont encore nombreuses, au point que la négociation a, pour la première fois, été confiée au président du Conseil, le belge Charles Michel, passant outre la présidence tournante classique menée par un État membre. Le scénario le plus optimiste serait de trouver un accord avant l'été, alors que la COP 26 est prévue pour novembre 2020. Et c'est sans compter avec le Brexit : « Il y a toujours le risque d'une sortie sans accord au 1er janvier 2021. Le Royaume-Uni risquerait de ne pas payer ce qu'il doit jusqu'en 2023, ce qui remettrait ainsi en cause tout l'équilibre financier », confie un représentant de la Commission européenne.
Une trajectoire anticipée
Une lenteur peu appréciée des ONG : « Pour éviter de devenir une opération de greenwashing et réellement créer une dynamique internationale sur l'ambition climatique, la Commission européenne devrait travailler dès aujourd'hui à relever son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030, actuellement obsolète », estime le Réseau action climat.
Un parlement motivé
Alors que le Parlement européen a déclaré l'urgence climatique il y a deux semaines via une résolution, il va pouvoir apporter sa touche à ce Pacte Vert pour l'Europe, et semble impatient de le faire. La députée française Agnès Evren (LR-PPE) se réjouit tout particulièrement que « la taxe carbone aux frontières soit proposée sous la forme d'un "mécanisme d'ajustement aux frontières". Cette barrière écologique est indispensable à la protection des consommateurs, agriculteurs et industriels européens, qui ne doivent pas payer à eux seuls les conséquences d'un phénomène mondial. Ce mécanisme doit désormais être précisé rapidement afin que son installation ne tarde pas. »
Le député français Pascal Canfin (Lrem-RE), quant à lui, « salue le fait que l'Europe continue de montrer l'exemple en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Cela est capital quand d'autres, tels le président des États-Unis, décident de se voiler la face. »
Enfin Iratxe García (S&D, ES), la présidente du groupe socialistes et démocrates au Parlement européen, voit dans ce Green Deal « un nouveau modèle de croissance pour transformer l'UE en une société plus équitable et plus prospère ». Pourvu que cet enthousiasme dure…