Examiner les projets de territoire en cours, proposer des pistes d'accélération de leur réalisation et d'amélioration de leur contenu : les objectifs fixés par le gouvernement à la cellule d'expertise (1) sur la gestion de l'eau en agriculture visaient clairement à augmenter le nombre d'initiatives abouties.
Les projets de territoire avaient été proposé en 2013 comme une condition à la levée du moratoire sur les aides à la création de réserves de substitution. Pour bénéficier du soutien des agences, celles-ci devaient s'inscrire dans ces démarches. Mais depuis ces dernières peinent à voir le jour. Sur la soixantaine de territoires engagés dans la démarche, "moins de cinq" seraient aujourd'hui validés et mis en œuvre, selon la cellule.
Cette dernière, chapeautée par le conseiller d'Etat, Pierre-Etienne Bisch, découle du plan d'actions sur la gestion quantitative de l'eau présenté l'année dernière par le gouvernement. "Le projet de territoire est un bon outil d'animation locale s'il est bien au service d'une démarche de co-construction et non à vocation exclusive d'encadrer l'éligibilité à des financements", a toutefois souligné la cellule. Celle-ci s'interroge également sur la légitimité des agences de l'eau à financer l'hydraulique agricole.
Un modèle agricole à définir
Dans son rapport, la cellule d'expertise pointe la nécessité de déterminer les modèles et les pratiques agricoles souhaités à horizon de 50 ans (durée de vie des projets de retenues). "Sans réponse à cette question centrale (…) l'accélération des effets du changement climatique rendrait illusoires les réponses envisagées aujourd'hui, ces dernières étant déjà sous-dimensionnées face à un dérèglement dont l'ampleur s'accélère au fil des années", estime-t-elle.
Parmi les différents axes de recommandations formulées par le rapport (2) , les deux ministères pilotes, de la transition écologique et de l'agriculture, ont sélectionné celles qu'ils souhaitaient mettre en œuvre.
Des lignes directrices pour le 1er janvier 2019
Pour remobiliser les acteurs, ils ont tout d'abord chargé le Comité national de l'eau d'élaborer des lignes directrices à l'intention des porteurs de projets de territoire pour le 1er janvier 2019. Celles-ci intégreront un guide méthodologique sur les méthodes d'évaluation économique et financière (réalisé par l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture Irstea).
Point nouveau par rapport aux recommandations, ils ont souhaité que la gestion collective de l'irrigation (organisme unique de gestion collective des prélèvements d'eau pour l'irrigation) soit également abordée dans ces lignes. L'année prochaine, les deux ministères prévoient ensuite d'adresser une instruction aux préfets pour préciser les principes et la méthode des projets de territoires.
A travers l'Agence française pour la biodiversité, un centre de ressources pour valoriser les études, outils et retours d'expérience françaises et étrangères sur les économies d'eau et la gestion quantitative de la ressource en eau sera mis en place au 1er janvier 2019. La cellule d'expertise envisageait également de créer une communauté d'animateurs (avec blog et newsletter).
Modification du calcul des volumes prélevables
Le calcul des volumes prélevables devrait également évoluer à partir du 1er janvier 2019, "pour permettre à chaque bassin d'améliorer la compatibilité des prélèvements avec le bon état des milieux et l'adaptation au changement climatique des systèmes de production agricole". Les possibilités de financement des agences de l'eau seront adaptées en conséquence. Elles se baseraient sur un historique d'activité récent, adapté à chaque bassin et permettant des économies d'eau, ainsi que l'adaptation de l'activité agricole au changement climatique. "Les projets de réserves multi-usages peuvent constituer l'un des leviers d'adaptation au changement climatique. A condition de bien veiller à ce que leur remplissage en période de hautes eaux soit fait selon des règles de respect des milieux", estime le Gouvernement. Ce point ne faisait toutefois pas consensus parmi les membres de la cellule d'expertise. Il correspond à la position de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculturemais suscite l'opposition de France nature environnement.
Une nécessité d'un état des lieux objectivé et partagé
Par ailleurs, la mission avait souligné que les crispations des différents acteurs pouvaient provenir de l'absence d'un état des lieux objectivé et partagé par tous les acteurs. Ainsi, un des principaux sujets de débat reste les critères écologiques de bon fonctionnement des milieux aquatiques. La mission aurait souhaité que l'instruction soit complétée sur les manières de mettre en place des indicateurs milieux aquatiques, leurs suivis et leurs contrôles. Elle préconisait également de clarifier le concept de substitution, sa définition étant variable selon les schémas directeurs d'aménagement et gestion des eaux (Sdage).
Le gouvernement prévoit un bilan des retenues d'eau existantes et de leurs usages mené par bassin dans l'objectif de remobilisation des stockages existants, à priori plus utilisés.
Dans cette optique, la cellule recommandait que le statut juridique et la gestion collective de ces retenues soient expertisés de manière approfondie. "Les services de l'État (…) se mobiliseront pour accélérer les projets de territoire qui sont bien engagés et appuyer les maîtres d'ouvrage des projets qui ne satisfont pas aux critères identifiés par la cellule d'expertise, afin d'améliorer leur projet, a projeté le Gouvernement. Ils accompagneront les porteurs de projets afin de les aider à mobiliser l'ensemble des financements publics (y compris fonds européens en lien avec les Conseils régionaux) et les inciter à diversifier leurs sources de financement".