Avec le développement des énergies renouvelables et de nouveaux usages électriques, comme la mobilité, le gestionnaire du réseau de distribution Enedis planche, lui aussi, sur le sujet de la flexibilité. Pas pour des questions d'équilibre offre/demande, qui sont de la responsabilité de RTE, mais pour optimiser le développement du réseau de distribution et le raccordement des énergies renouvelables. L'objectif est de réduire les coûts et les délais de raccordement, face à une demande croissante.
Enedis a publié, en 2020, une feuille de route sur les flexibilités locales, présentant différents cas d'usages pour le réseau de distribution. Depuis, ces solutions ont été industrialisées. « Nous sommes pionniers en Europe sur le sujet des flexibilités locales. Seuls quelques acteurs y travaillent, se félicite Hubert Dupin, responsable du projet flexibilité chez Enedis. Aujourd'hui, toute une démarche a été lancée. Les clients sont de plus en plus actifs, notre réseau est de plus en plus intelligent, avec l'installation de capteurs, etc. La technologie évolue et nous donne des moyens supplémentaires pour optimiser le réseau. »
Surbooking sur la ligne
Le premier enjeu pour Enedis est de répondre efficacement aux demandes de raccordement, en optimisant les coûts de développement du réseau. Un enjeu de taille au vu de l'accélération annoncée des énergies renouvelables, dont la majorité est raccordée au réseau de distribution (41 GW, fin septembre 2023).
Pour aller plus loin, le gestionnaire a lancé en 2021, avec RTE, le projet expérimental Reflex, dans la Somme et dans les Landes. « L'objectif est d'optimiser les schémas de raccordement des énergies renouvelables (S3RENR) en raccordant le plus de producteurs sur un même ouvrage », explique Hubert Dupin. Le principe du raccordement mutualisé doit assurer un gain collectif en pratiquant du « surbooking », car, finalement, la puissance totale de production raccordée n'est que très rarement atteinte dans les faits, avec l'intermittence et le foisonnement des renouvelables.
Au total, 210 MW de capacités supplémentaires ont pu être accueillies. En cas de surplus de production, des écrêtements ponctuels sont réalisés et indemnisés, sans gain ni perte pour les producteurs. D'ici à 2035, 2,5 GW de capacités supplémentaires pourraient être accueillies, estime Enedis. « Ce système pourrait permettre d'économiser 300 M€ de travaux, avec des indemnisations de l'ordre de 50 M€ pour les producteurs. Car finalement, seul 0,06 % d'énergie est effacé », explique Hubert Dupin.
En parallèle, Enedis souhaite valoriser ces surplus de production, en lançant des appels aux marchés locaux pour trouver des débouchés, évitant ainsi les écrêtements. « Cela peut intéresser des consommateurs, pour l'alimentation de chauffe-eau, de châteaux d'eau, la recharge électrique, ou encore des opérateurs de stockage qui bénéficient de ces surplus à prix nul », explique Hubert Dupin. Un système gagnant-gagnant en somme.
Vers de nouveaux modèles
Et côté producteur ? « Nous avons intégré le stockage dans notre stratégie de développement des renouvelables depuis quatre ans. Cela permet, dans certains contextes, de développer plus rapidement certains parcs, explique Benjamin Huriet, directeur ingénierie et innovation de Boralex. Mais on ne peut pas faire l'économie du réseau ; il n'est pas question de mettre une batterie derrière chaque éolienne », souligne l'expert. D'autant que le stockage par batterie n'a pas encore trouvé de réel modèle économique en France, hormis pour certains services liés à l'équilibrage du réseau. « Nous regardons avec intérêt les batteries à flux qui pourraient répondre à des volumes et des stocks plus importants. Mais cette technologie est encore émergente et peu compétitive face aux batteries au lithium », explique l'expert de Boralex.
Dans d'autres pays, en revanche, où le réseau est moins maillé, plusieurs modèles ont émergé. « En Grèce par exemple, il est obligatoire, dans certaines zones où le réseau est fragile, d'adosser un moyen de stockage à un moyen de production. Aux Pays-Bas, au Royaume-Uni ou aux États-Unis, des réflexions ont été ouvertes sur ce sujet », explique Michel Gloria, délégué général de France Renouvelables. En Europe, des projets hybrides, combinant solaire et éolien sur un même site, et parfois du stockage, commencent également à émerger pour faire face à des questions de disponibilité du réseau, mais aussi du foncier. De premiers projets voient le jour aux Pays-Bas, en Espagne ou au Portugal. « L'intérêt est d'optimiser l'infrastructure réseau et les coûts de raccordement. Les parcs éoliens et solaires ne seront en effet amenés à produire à leur maximum que très rarement dans l'année », explique Benjamin Huriet. Car, alors que le solaire produit davantage au printemps et en été, l'éolien a plutôt une production hivernale. La puissance de raccordement peut donc être calculée et optimisée en fonction de cette complémentarité. Le stockage est capable, quant à lui, d'absorber les surplus.