Le constat est inquiétant. Alors que l'Union européenne assure avoir contribué aux actions de lutte contre le réchauffement climatique à hauteur de 216 milliards d'euros (Mds€) pour la période 2014 à 2020, atteignant ainsi son objectif de consacrer 20 % de son budget à cette cible, un rapport de la Cour des comptes européenne, publié ce lundi 30 mai, remet fermement en cause ses allégations. Selon les auteurs de cet audit, intitulé « Dépenses climatiques du budget 2014-2020 de l'UE – Une réalité en deçà des chiffres publiés », l'examen de la méthode d'évaluation de la Commission européenne et des impacts de ses financements montre que l'intégralité des montants annoncés n'a pas réellement été affectée à la destination promise. Le total aurait même été surestimé de 72 Mds€, au moins, dont 80 % correspondent à des financements agricoles.
Une méthode peu fiable
Les auditeurs soulignent de nombreuses incohérences dans les calculs de la Commission, telles que des actions similaires traitées différemment ou des actions différentes traitées de manière identique. Ils critiquent une méthode de suivi fondée sur des hypothèses mais sans indicateurs fiables, sans mesure de la contribution finale aux objectifs climatiques de l'UE ni quantification des impacts sur les émissions de gaz à effet de serre, ainsi que l'amalgame entre atténuation au changement climatique et adaptation à ce phénomène. Mais surtout, ils
Les dépenses pour l'agriculture surévaluées
Mais les auditeurs pointent surtout la « surdéclaration » des dépenses climatiques en matière agricole, réalisées dans le cadre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), via la PAC notamment, et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Plus d'un quart des financements agricoles, soit environ la moitié des dépenses climatiques globales de l'Union européenne, contribuerait à la lutte contre le réchauffement climatique, estime la Commission européenne. Or, pour la Cour des comptes, la quantité de gaz à effet de serre émise par les exploitations agricoles n'a pas diminué depuis 2010. « La Commission a surestimé la contribution à l'action pour le climat de volets essentiels des financements agricoles tels que la conditionnalité, les zones soumises à des contraintes naturelles et l'agriculture biologique », analysent les auditeurs. Les petits exploitants peuvent par ailleurs bénéficier des aides au verdissement, dont les impacts seraient « hautement incertains » sur l'atténuation des changements climatiques, « sans devoir respecter d'exigences en la matière », ajoutent-ils. Autre objection : le classement dans la catégorie « coefficient modéré » des paiements directs non écologiques par la Commission, pour une action climatique « négligeable ». Certains effets négatifs potentiels des dépenses ne seraient pas non plus pris en compte.
Une contribution revue à la baisse
En appliquant des coefficients plus raisonnables, les auteurs du rapport estiment que la part des dépenses climatiques relevant du budget de l'UE avoisinerait plutôt les 13 %, soit quelque 144 Mds€, au lieu des 20 %
” Joëlle Elvinger, responsable au sein de la Cour des comptes européenne du rapport " Dépenses climatiques du budget 2014-2020 de l'UE Une réalité en deçà des chiffres publiés " .
Pourtant, les propositions d'amélioration de la méthode émise par cet organe n'auraient pas été appliquées. Les liens entre les paiements et les objectifs climatiques de NextGenerationEU, mis en place en 2020, resteraient par exemple « ténus », note les auditeurs. Afin de remédier à ces lacunes, ces derniers formulent donc plusieurs recommandations : justifier la pertinence des financements agricoles du point de vue de l'action pour le climat, en s'appuyant sur des données scientifiques, par exemple ; améliorer la déclaration des dépenses climatiques, en mettant en évidence les dépenses de l'UE susceptibles d'avoir des effets négatifs sur le climat ; lier le budget de l'UE à ses objectifs climatiques et énergétiques. « La Commission devrait se concentrer en particulier sur la manière de mesurer l'impact du budget sur l'atténuation du changement climatique », insiste le rapport.