Comme il l'avait annoncé lors du séminaire gouvernemental organisé le 4 décembre dernier, Jean-Marc Ayrault a adressé à tous les ministères une lettre de cadrage (1) pour la transition écologique. Celle-ci fixe, pour chaque portefeuille ministériel, les priorités d'action pour l'année 2013 et différentes échéances. Le gouvernement s'est d'ailleurs engagé à publier tous les trois mois un tableau de bord (2) de la réalisation effective des engagements de la feuille de route, décidés lors de la Conférence environnementale de septembre.
Le ministère de l'Ecologie (3) a pour mission de veiller à la mise en œuvre de la feuille de route pour la transition écologique, de coordonner l'action des différents ministères et de recourir à l'arbitrage du Premier ministre si besoin.
Quand écologie rime avec redressement productif
Le redressement productif étant l'une des priorités du gouvernement Ayrault, plusieurs ministères sont appelés à plancher sur ce sujet, en lien avec l'environnement. Le ministère éponyme devra travailler au renforcement du tissu industriel français dans plusieurs domaines : les énergies renouvelables (solaire, éolien, biocarburants de deuxième et troisième génération, énergies marines), la sobriété énergétique dans les transports, le bâtiment, le stockage de l'énergie et les smart grids, l'économie des matières premières… Il a pour mission de soutenir les innovations industrielles et de poursuivre le plan automobile, qui vise une mutation de ce secteur industriel.
L'Agence nationale de la recherche devra accompagner cet effort, avec des programmes de recherches thématiques contribuant à la transition énergétique (transports durables et mobilité, villes et bâtiments durables, systèmes énergétiques efficaces et décarbonés, biomatières et bioénergies… ).
Enfin, dans le cadre du pacte national pour la croissance, le gouvernement a prévu le lancement de dix plateformes d'appui aux mutations économiques. Le ministère du Travail est chargé de sélectionner un ou plusieurs bassins d'emplois en "transition verte", où des plateformes pourraient être implantées.
Enfin, le ministère de l'Ecologie pilote le débat national sur la transition énergétique, dont les conclusions sont attendues dans l'été, pour une présentation de la loi de programmation en Conseil des ministres, en septembre.
Biodiversité, agriculture, OGM, abeilles
Alors que la France s'apprête à ratifier le protocole de Nagoya relatif à l'accès aux ressources génétiques et au partage des avantages issus de leur utilisation (APA), Jean-Marc Ayrault demande au ministère de la Justice de mettre en place le régime juridique nécessaire. Il lui demande notamment de mener plusieurs expertises, sur les modalités de sanction des utilisateurs en cas de violation des législations françaises et étrangères, et sur "la possibilité d'introduire dans le droit français de nouvelles servitudes conventionnelles à vocation environnementale ou des obligations réelles, ou des outils juridiques alternatifs, en lien avec les réflexions organisées par le ministère de l'Ecologie à partir des recommandations du rapport parlementaire sur la biodiversité de Geneviève Gaillard (4) ".
Le Premier ministre rappelle que la loi cadre sur la biodiversité doit être présentée à l'automne. Dans cette perspective, il demande au ministère de l'Intérieur de piloter, avec les collectivités, des débats sur le renouvellement des politiques en faveur de la biodiversité.
Le "plan Abeilles" devrait être présenté prochainement par le ministère de l'Agriculture, il sera suivi, d'ici la fin de l'année, d'un "plan pollinisateurs".
Le ministère de Stéphane Le Foll planchera également sur un Plan azote-énergie-environnement, sur un programme national pour l'agriculture bio attendu pour mi-2013 et il présentera au cours du deuxième semestre la loi d'avenir pour l'agriculture, qui intègrera un volet lutte contre l'artificialisation des sols agricoles et naturels.
D'ici juin, devrait également être présenté un bilan de la politique de l'eau 2006-2012.
Plus largement, le ministère de l'Agriculture doit contribuer au maintien du moratoire sur les OGM actuellement autorisés en Europe et "réviser, dans un sens restrictif, l'arrêté fixant les conditions dans lesquelles les dérogations à l'interdiction d'épandage aériens de produits phytosanitaires pourront être accordées de façon exceptionnelle", au plus tard fin février. Enfin, il poursuivra ses travaux en matière de diminution de la dépendance de la France vis-à-vis des protéines végétales pour l'alimentation animale.
Infractions environnementales, préjudice écologique et RSE
Au chapitre simplification du droit environnemental, le Premier ministre rappelle qu'au printemps, le ministère de l'Ecologie organisera les Etats généraux de la modernisation du droit de l'environnement. Sera également abordée la question de l'évolution de l'exercice de l'autorité environnementale.
Mais d'ores et déjà, Jean-Marc Ayrault demande au ministère de la Justice de renforcer la formation des magistrats en matière d'atteintes à l'environnement et de "sensibiliser les procureurs à la nécessité d'apporter une réponse pénale cohérente et rigoureuse aux infractions environnementales".
Le Garde des Sceaux est fortement encouragé à plancher sur la notion de préjudice écologique : "Je ne verrais que des avantages à ce que vous puissiez me présenter, lorsque les réflexions que vous avez engagées auront abouti, un projet de loi autonome ou des dispositions législatives permettant de créer, dans le code civil, des articles reconnaissant le préjudice écologique, dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour de cassation et réglant les questions juridiques posées par sa mise en œuvre par le juge de la responsabilité".
Le ministère de l'Intérieur doit quant à lui "renforcer et coordonner les missions de contrôle des délits environnementaux et faciliter la poursuite des infractions, notamment les contrôles des sites illégaux de déchets".
Dans la perspective d'une révision rapide du cadre normatif de la responsabilité sociale des entreprises, annoncée lors de la Conférence environnementale, sont attendues la modification du décret du 24 avril 2012 afin d'améliorer l'exercice de reporting, la publication de l'arrêté relatif aux organismes tiers indépendants et une étude sur la suppression de la distinction entre entreprises cotées et non cotées. Une plateforme d'actions globale pour la RSE sera mise en place et une mission, associant des personnalités du monde de l'entreprise, du monde syndical et du monde associatif, rendra ses premières propositions sous six mois. Le ministère du Commerce extérieur est quant à lui invité à soutenir l'extension du reporting RSE aux filiales et aux sous-traitants à l'étranger.
Enfin, plusieurs ministères devront plancher sur le concept de mandat environnemental, visant à reconnaitre l'engagement des bénévoles et des associations œuvrant dans le domaine de l'environnement et sur le soutien à l'emploi dans ces associations, via les emplois tremplins… Un groupe de travail, dont les conclusions sont attendues au premier semestre 2013, a déjà été constitué.
Financer la transition et verdir la fiscalité
Alors que le ministère de l'Ecologie a installé mi-décembre le comité permanent pour la fiscalité écologique et qu'un dispositif consultatif a été mis en place au ministère de l'Economie, le Premier ministre rappelle à ces deux ministères qu'ils doivent élaborer, d'ici la fin de premier semestre "de façon à influer sur l'agenda européen", un livre blanc sur le financement de la transition écologique dans la perspective des réformes sur le financement de l'économie.
Fin avril, sont également attendues les conclusions d'une expertise sur la création d'un fonds bois-carbone.
Dans le cadre du plan de rénovation énergétique, le ministère du Logement devra accélérer le rythme des travaux de rénovation lourds sur le parc social, "en renforçant l'aide apportée par l'éco-prêt logement social et en étudiant les pistes d'une amélioration des autres aides à la rénovation thermique du parc social, notamment le dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties". Il devra également plancher sur les réformes possibles de l'écoPTZ et du crédit d'impôt développement durable (CIDD). Seront également étudiés de nouveaux systèmes de financement pour décharger les propriétaires de l'avance des frais de rénovation.
PNSE3, plan cancer et stratégie sur les perturbateurs endocriniens
En matière de santé environnementale, un groupe de travail doit élaborer, d'ici juin, la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. D'ici juillet, les ministères de la Santé et de l'Ecologie doivent procéder à l'évaluation du deuxième plan national santé environnement (PNSE2) et préparer la troisième édition de ce plan.
Le ministère de la Santé renforcera également les volets environnementaux du plan cancer et travaillera, avec d'autres ministères, à la mise en cohérence des réglementations environnement/santé publique/santé des travailleurs.
Le ministère de la Recherche veillera à l'élaboration, d'ici juin, par les alliances Allenvi (5) , Aviesan (6) et Athena (7) , d'un "plan d'action faisant le lien entre prévention, épidémiologie et recherche fondamentale en toxicologie et en éco-toxicologie préventive".