Or, jusqu'à présent les réseaux ont été conçus de manière à transporter l'électricité produite de façon concentrée dans des centrales de grande puissance et de la distribuer pour être consommée par des millions de consommateurs, particuliers ou entreprises. Cette décentralisation de la production liée aux EnR va donc demander de nouvelles fonctionnalités et induire une complexification du système. L'enjeu est de taille car s'il n'est pas relevé, il pourrait fortement gêner le développement des énergies renouvelables.
Mieux comprendre les EnR pour mieux les intégrer
Pour l'instant les énergies renouvelables éoliennes et photovoltaïques ne représentent encore qu'une faible part de la production totale d'électricité. Selon l'ADEME, les problèmes rencontrés sont plutôt d'ordre local (congestion des lignes électriques) ou liés au comportement des sources en cas de perturbation (découplage). Mais au regard des objectifs de développement attendu pour 2020, il est temps de se pencher sur la question.
Réseaux de Transport d'Electricité (RTE), gestionnaire des 100.000 km de lignes à haute et très haute tension et concerné par le développement des éoliennes, a commencé à s'y intéresser. RTE a commencé à nouer des relations avec les acteurs de l'éolien pour développer de nouveaux outils pour gérer l'observabilité, a expliqué Henri Mignon à l'occasion des conférences organisées par l'ADEME dans le cadre de la semaine des énergies renouvelables et de la maîtrise de l'énergie. Des études sont en effet en cours pour mieux comprendre les fluctuations spécifiques des éoliennes. On regarde pour mieux prévoir et anticiper afin d'assurer continuellement l'équilibre entre l'offre et la demande, a-t-il expliqué. Ces premières études laissent penser que si les 19 GW d'éoliennes terrestres et les 6 GW d'éoliennes offshore prévus d'ici 2020 sont bien répartis au sein des régimes de vents français (au Nord, à l'Ouest et au sein du canal rhodanien), RTE pourra compter en temps réel sur une puissance continue et stable de 20 à 25 % minimum. Autrement dit, même si le vent faiblit dans une zone, une autre pourra prendre le relais sachant que les régimes de vent sont totalement indépendants.
Mais cela nécessitera de mettre en place une régulation assez habile pour équilibrer, en temps réel, la demande et la production d'électricité, ou alors d'introduire des organes de stockage, qui permettront de stocker et déstocker de l'énergie électrique en fonction des besoins. Les deux écoles s'affrontent mais pourraient au final être développées en parallèle.
Vers un réseau 100% renouvelable ?
Si pour l'instant c'est loin d'être le cas, il n'est pas utopique d'imaginer d'ici plusieurs décennies un réseau électrique avec uniquement des sources renouvelables. RTE n'est pas contre : nous sommes prêts à relever le défi. On cherche à avoir un parc le plus diversifier possible pour assurer au mieux l'équilibre offre/demande, a expliqué Hervé Mignon. Bernard Chabot, consultant, estime également que c'est tout à fait réalisable mais que cela nécessitera de mettre en place un éventail de solutions incluant une réduction de la demande, un meilleur couplage météo/demande et le développement de nouvelles formes de stockage.
En Allemagne, l'expérience Kombikraftwerk menée par plusieurs industriels des EnR a prouvé la possibilité de créer un réseau 100% EnR et de fournir de l'électricité renouvelable en continu, en fonction de la demande, de manière fiable et indépendante des conditions météorologiques. Ainsi en combinant l'éolien et le photovoltaïque (source intermittente) à des sources mobilisables sur demande comme le biogaz ou l'hydraulique (station de pompage), les auteurs du projet fournissent 4,15 millions de kWh soit l'équivalent des besoins d'une ville de 12.000 habitants à partir de 36 centrales dispersées sur le territoire.
Les îles, laboratoire des réseaux « intelligents »
Pour les territoires îliens (DOM-COM et Corse), le réseau 100% renouvelable est un objectif beaucoup plus proche qu'en métropole. Les îles sont en effet dépendantes des importations de pétrole et souhaitent par conséquent devenir autonomes grâce aux énergies renouvelables. Les îles cherchent désormais à multiplier les sources et les centrales pour limiter les risques de coupure mais également les points de stockage. Un projet mené par EDF prévoit la création d'une installation pilote de stockage de l'électricité par voie électrochimique, conçue pour solutionner la question de l'intermittence de l'énergie photovoltaïque. Prévue pour une puissance de 1 MW, l'installation s'inspire de la technologie sodium-soufre développée aux Etats-Unis.
Les îles sont donc l'occasion de tester de nouvelles solutions qui à terme bénéficieront au réseau métropolitain pour qu'il devienne plus souple tout en garantissant le même niveau de fiabilité et de qualité d'approvisionnement qu'aujourd'hui.