Certains projets ayant une incidence potentiellement importante sur l'environnement du fait de la sensibilité du milieu dans lequel ils sont projetés échappent pourtant à toute évaluation environnementale. Dans un rapport commandé en 2015 par Ségolène Royal, le président du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT), Jacques Vernier, avait proposé de mettre en œuvre une clause dite « filet » afin de remédier à cette situation.
« Cette mesure semble indispensable au regard des exigences du droit européen (il faut noter sur ce point la constance de la jurisprudence de la Cour de justice). Loin d'être une complexité supplémentaire, cette « clause-filet », qui devrait être d'application exceptionnelle, assurera au contraire la sécurité juridique des projets », concluait M. Vernier.
Las, six ans après, les gouvernements successifs n'avaient toujours pas mis en œuvre cette préconisation. La réforme de l'évaluation environnementale d'août 2016 est même allée en sens contraire en dispensant d'étude d'impact un certain nombre de projets qui étaient jusque-là soumis à une procédure dite de « cas par cas ». Une procédure par laquelle une autorité publique doit décider si le projet nécessite ou non une évaluation environnementale en se fondant sur une série de critères fixés par le Code de l'environnement.
Injonction du Conseil d'État
Il aura fallu attendre une injonction du Conseil d'État pour que l'exécutif accepte enfin de bouger. Par une décision du 15 avril 2021, faisant suite à une requête de France Nature Environnement (FNE), la Haute Juridiction a donné neuf mois au Premier ministre pour prendre les dispositions permettant « qu'un projet susceptible d'avoir une incidence notable sur l'environnement ou la santé humaine pour d'autres caractéristiques que sa dimension, notamment sa localisation, puisse être soumis à une évaluation environnementale ». Le ministère de la Transition écologique a donc préparé un projet de décret (1) qui va être soumis, le 14 décembre, au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques et, le lendemain, au Conseil national de la transition écologique (CNTE).
Le texte prévoit la création d'un nouvel article dans le Code de l'environnement qui met en œuvre cette clause-filet. Selon celle-ci, l'autorité compétente pour autoriser le projet soumet à l'examen au cas par cas tout projet, situé en deçà des seuils fixés par la nomenclature (2) annexée à l'article R. 122-2 du Code de l'environnement, « qui lui apparaît susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine ». Le projet prévoit également que le porteur de projet puisse saisir « de sa propre initiative » l'autorité chargée de l'examen au cas par cas.
Dispositif exceptionnel
Si ce dernier devrait permettre de se mettre en conformité avec une décision de la Cour de justice de l'Union européenne datant de 2011, le dispositif proposé n'est toutefois pas exempt de critiques. « Ce projet de décret clôt une controverse de dix années sur le champ d'application de l'obligation d'évaluation environnementale préalable. Il met toutefois en place une procédure complexe et appelle sans doute un débat sur une réforme globale de ce dispositif », estime le professeur de droit et avocat Arnaud Gossement.
« En pratique, cela ne changera que peu de choses, si l'on confie encore l'examen de cette clause au préfet », réagit de son côté le docteur en droit Gabriel Ullmann. « L'expérience montre que seuls 1 à 3 % des projets soumis à l'examen du cas par cas par les préfets font l'objet d'une décision en faveur d'une évaluation environnementale », rappelle en effet ce dernier.