Selon le rapport annuel 2010 de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse, publié le 6 décembre, 51 % des rivières de cette zone affichent un bon état écologique, alors que d'ici 2015, ce chiffre doit atteindre 66 %. Si l'agence note de nettes améliorations dans le traitement des eaux usées et dans les pollutions d'origine domestique, elle pointe du doigt "la pollution par les pesticides et les altérations physiques des rivières (modification du débit, seuils et barrages, endiguement…)". Lutter contre l'artificialisation des cours d'eau apparaît donc comme une priorité pour l'agence, afin d'améliorer la qualité des eaux.
Micropolluants : pesticides et HAP sont omniprésents
Comme dans la plupart des cours d'eau français, les pesticides polluent les rivières des bassins du Rhône, de la Méditerranée et de Corse. Cette présence est d'autant plus préoccupante, note l'agence, qu'aucune tendance à la baisse n'est observée. "Au total la moitié des nappes sont polluées (au-delà des normes de qualité). L'Agence de l'eau invite à renforcer les actions pour réduire l'utilisation de pesticides".
Dans les trois quarts des cours d'eau de cette zone, les analyses ont détecté la présence de glyphosate, "une substance active du Round-up [Monsanto], herbicide utilisé en zones agricoles sur toutes cultures et aussi par les collectivités et les particuliers". Dans 5 points de l'Hérault, des Pyrénées orientales et de la Côte d'Or, les concentrations de glyphosate sont "seulement 50 fois inférieures aux seuils sans effet connu sur la santé humaine". Ces sites sont en "mauvais été écologique".
Mais "le plus alarmant, c'est la présence également dans 60 % des rivières et 45 % des nappes de 6 pesticides interdits d'usage depuis 2003, dont l'atrazine. Leur présence dans les eaux courantes est la preuve d'un usage actuel, bien qu'illicite". Une étude publiée en 2011 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) démontre que l'atrazine empêche le développement normal du foetus chez les femmes enceintes exposées au produit. Outre l'impact sanitaire, l'agence souligne les coûts pour les collectivités de dépollution de ces eaux afin de les rendre potables.
Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP),cancérogènes issus de la combustion de matières fossiles (bois, charbon, pétrole…), sont également présents sur 97 % des sites de surveillance. L'agence note une pollution "particulièrement significative à proximité des zones fortement urbanisées et/ou industrialisées. Ce sont les grands et très grands cours d'eau (Rhône, Saône, Doubs) qui sont contaminés par le plus grand nombre de HAP, avec parfois un cocktail de 18 molécules différentes".
Cinq points noirs liés à l'industrie chimique
"Les points noirs de la pollution aux micropolluants d'origine industriellesont localisés sur 5 sites pour la plupart spécialisés dans la chimie du chlore", indique l'agence. Ces points noirs sont le site de Tavaux (Jura), spécialisé dans la chimie des composés halogénés (chlore, fluor) et des plastiques (PVC), le couloir de la chimie, au sud de Lyon, où sont concentrés les établissements de l'industrie chimique et pétrochimique, la plateforme des Roches, au Péage de Roussillon (Isère) qui accueille une quinzaine d'établissements (chimie, agroalimentaire, constructions…), la plateforme de Pont-de-Claix (Isère) spécialisée dans la chimie du chlore et le site de Château-Arnoux-Saint-Auban, (Alpes de Haute-Provence) spécialisé dans la chimie du chlore. Par ailleurs, des niveaux de concentrations très élevés de PCB (de l'ordre de plusieurs milligrammes/kg) ont été mesurés dans les sédiments du Tillet, affluent du lac du Bourget en Savoie.
Une priorité : lever les altérations physiques des rivières
Outre les pollutions chimiques, l'agence estime que l'artificialisation des rivières est responsable de leur mauvais état écologique. Les rivières modifiées par l'homme ont en effet une moindre capacité à se régénérer après une pollution ou une sécheresse. "Parmi les rivières en mauvais état écologique, deux tiers ont subi de graves déformations physiques(débits modifiés, construction de seuils, de barrages ou de digues). Les poissons comme les truites, les ombres communs ou les brochets ne peuvent plus se reproduire dans ces conditions". L'agence estime donc que supprimer ou aménager les seuils, reméandrer les cours d'eau et renaturer leurs berges et leurs anciens bras morts est une priorité à l'avenir.