Par une décision rendue le 8 avril, le Conseil d'État redonne de l'espoir aux justiciables confrontés à la politique du fait accompli pratiquée par les maîtres d'ouvrage des aménagements qu'ils contestent en justice.
En l'espèce, les associations Biodiversité sous nos pieds et France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE Haute-Savoie) avaient demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet de Haute-Savoie du 30 mai 2022 portant dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées, qui permettait l'aménagement d'un nouveau secteur du domaine skiable de la station de Megève. Le juge avait rejeté leur demande par une ordonnance en date du 16 novembre 2022, considérant que la condition d'urgence, nécessaire pour ordonner la suspension, n'était pas établie en raison de l'état d'avancement des travaux. Il avait estimé que l'atteinte aux espèces protégées (11 espèces de mammifères, 30 espèces d'oiseaux et 5 espèces de reptiles et amphibiens) était déjà très largement consommée, 90 % de la zone concernée ayant déjà été défrichée.
À la suite du pourvoi des associations, le Conseil d'État annule l'ordonnance et renvoie l'affaire devant le même juge. « En se bornant à relever l'état avancé des travaux, alors que l'argumentation dont il était saisi lui imposait d'examiner si l'impact des travaux restant à effectuer sur les espèces protégées pouvait conduire à regarder la condition d'urgence comme remplie, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit », juge le Palais-Royal.
« Cette décision chasse (…) de possibles tentations de "fait accompli", commente Dorian Guinard, enseignant-chercheur en droit public et membre de Biodiversité sous nos pieds. Tant qu'il reste un habitat ou une espèce protégée à préserver, le juge administratif doit analyser les impacts potentiels des travaux pour caractériser l'urgence. C'est là l'intérêt fondamental de la décision qui va permettre de mieux protéger les écosystèmes préventivement. »