La France avait publié, en mars 2017, une stratégie (1) en vue de combattre les espèces exotiques envahissantes. Une feuille de route insuffisante, à en croire la Commission européenne, qui lui a adressé, le 9 février dernier, un avis motivé, en même temps, il est vrai, qu'à quatorze autres États membres, pour défaut d'application du
Le gouvernement avait toutefois réagi. Le ministère de la Transition écologique a élaboré un plan d'action (2) que la secrétaire d'État à la Biodiversité, Bérangère Abba, a dévoilé, le 15 mars, à l'occasion d'un déplacement à Épernay (Marne), où elle a assisté à une opération d'éradication de la renouée du Japon. Le projet de plan avait reçu un avis (3) favorable du Conseil national de la protection de la nature (CNPN), le 26 octobre 2021, moyennant un certain nombre de recommandations, notamment concernant le pilotage et la coordination, « pour s'assurer que les actions seront mises en place ».
Cause majeure d'érosion de la biodiversité
Les espèces exotiques envahissantes (EEE) sont identifiées comme l'une des cinq causes majeures d'érosion de la biodiversité. On dénombre, en France, 1 379 espèces de plantes et 708 espèces de faune exotiques, sachant toutefois que toutes les espèces exotiques ne sont pas envahissantes. Selon une étude scientifique publiée en juillet 2021, les coûts engendrés en France par les EEE auraient pu atteindre 10 milliards d'euros (M€) entre 1993 et 2018.
« Les perturbations peuvent être très diverses, rappelle le ministère de la Transition écologique : prédation (ex. : rats qui dévorent les œufs d'oiseaux) ; concurrence pour la nourriture ou les lieux de reproduction pour les animaux, l'espace et l'accès au soleil pour les végétaux ; propagation de maladies auxquelles les espèces locales sont sensibles ; jusqu'à la modification du milieu (ex. : dégradation des rives par les ragondins). » Problèmes auxquels peuvent s'ajouter des effets sur la santé humaine, les animaux d'élevage (ex. : les frelons asiatiques s'attaquent aux abeilles domestiques) ou les végétaux de culture, de même que des nuisances aux activités, comme la prolifération de plantes aquatiques qui perturbent la pêche ou la navigation.
Cette menace devrait continuer à croître du fait du réchauffement climatique, de la modification des milieux, ainsi que de l'essor du commerce et du transport. Or, la France est particulièrement vulnérable dans les outre-mer, du fait de leur très riche biodiversité, et en métropole, en raison de sa situation au carrefour de quatre régions biogéographiques, avec trois façades maritimes accueillant de nombreux transports internationaux.
Renforcer la prévention
Dès lors qu'une espèce exotique envahissante est répandue, sa gestion s'avère complexe et coûteuse. Il est très difficile d'arriver à l'éradiquer et la contenir nécessite un effort important dans la durée », explique le ministère de la Transition écologique. Le plan entend par conséquent renforcer le volet « prévention » de la stratégie nationale.
Actions « coup de poing »
Dans le cadre de la troisième Stratégie nationale pour la biodiversité, présentée le même jour que ce plan, Bérangère Abba a annoncé 500 opérations « coup de poing » d'ici à 2025 afin d'agir rapidement face à des espèces envahissantes susceptibles de s'installer. Une enveloppe de 1,5 M€ est consacrée, dès 2022, à une première série d'opérations qui seront conduites avec l'appui technique de l'Office français de la biodiversité (OFB), en partenariat avec le comité français de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Un financement de plus de 1 M€ par an par les agences de l'eau est également annoncé.
La secrétaire d'État annonce également « deux nouveaux arrêtés listant des espèces exotiques envahissantes (…), afin de poser des restrictions au commerce, à la détention et au transport d'espèces comme le crabe bleu, la crassule de Helms, la moule Quagga ou encore le frelon oriental ».
Un premier projet (4) portant sur le territoire métropolitain est en consultation publique (5) jusqu'au 6 avril 2022. Ce texte porte sur des urgences identifiées par les acteurs de terrain, explique le ministère. Il vient compléter la liste des espèces considérées comme préoccupantes sur le plan national, qui s'ajoute à la liste des 66 espèces interdites sur tout le territoire de l'Union européenne. Le Conseil national de la protection de la nature a émis un avis (6) défavorable sur ce texte, le 22 janvier dernier. Dans cet avis, cette instance consultative s'interrogeait sur « l'intérêt réel de ces arrêtés si les objectifs de contrôle-gestion-surveillance qu'on vise pour les espèces sur listes ne peuvent être atteints (moyens constants et insuffisants) ».