En matière d'éolien, la France n'a pas seulement à rattraper son retard en termes de production d'énergie : elle doit aussi le faire en ce qui concerne la production de savoir. Le 9 mai dernier, l'Institut de transition écologique France Énergies marines (ITE FEM) a annoncé l'installation de la « première plateforme française de recherche en mer consacrée à l'éolien offshore », baptisée Draccar. Emblématique, ce projet n'est que la proue d'un vaste bateau.
Une histoire de mesures
Pendant que les premières mesures de suivi scientifique étaient encore effectuées à la jumelle dans l'Hexagone, au début des années 2000, certains pays voisins s'étaient déjà attelés à investir dans des infrastructures standardisées. « L'Allemagne, en particulier, a tout de suite accompagné l'émergence de l'éolien offshore de la création d'observatoires et plateformes de recherche localement », se souvient David Marchal, directeur exécutif adjoint de l'Agence de la transition écologique (Ademe). En 2002, le gouvernement allemand charge l'université des sciences appliquées de Kiel de mettre en œuvre une première plateforme de recherche en mer du Nord (« Forschungsplattformen in Nord », ou Fino) alors à proximité du parc éolien pilote Alpha Ventus, à 45 kilomètres de l'île de Borkum. Sur cette plateforme se dresse une tour métallique de cent mètres de haut bardée de capteurs météorologiques, renseignant la vitesse et la direction du vent, pour mieux prédire la production des parcs alentour. Cette Fino1, qui vient de fêter ces vingt ans, a été suivie par Fino2, en 2007 (à 33 km de l'île de Rügen en mer Baltique) et Fino3, en 2009 (à 80 km de l'île de Sylt, en mer du Nord).
Standardisation de la connaissance
La tech bretonne se spécialise autour de l'éolien en mer
Forte de la récente mise en oeuvre du parc éolien au large de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor), la Bretagne accueille un nombre grandissant de start-up se spécialisant dans les technologies associées aux énergies marines renouvelables. À l'occasion du forum Seanergy tenu à Paris les 20 et 21 juin, le cluster régional Bretagne Ocean Power a présenté trois nouvelles propositions technologiques. Le logiciel de « deep-learning » Harmony, exploité par la société Wipsea et notamment utilisé dans le cadre du projet Owfsomm de l'ITE FEM, permet par exemple une identification automatique de cétacés, d'oiseaux marins et de poissons à partir de photographies réalisées lors d'opérations de suivi aériennes, puis d'en faire la cartographie. Dans la même idée, le drone aérien Stormm, et son nouvel équivalent solaire en autoconsommation Solar Stormm, utilise un système de télédétection optique pour catégoriser la mégafaune marine. L'entreprise brestoise Quiet-Oceans utilise, quant à elle, des bouées dotées d'hydrophones connectés offrant un suivi sonore en temps réel des bruits occasionnés localement lors de la construction d'un parc. L'idée, ici, est d'alerter les constructeurs sur leur nuisance et de les inciter à la limiter.
Un tel outil bénéficiera, notamment, des prochains résultats du projet Owfsomm, lancé par l'ITE FEM en 2020. Celui-ci, aidé d'un financement de 1,4 million d'euros en partie délivré par le plan d'investissement d'avenir (PIA4), a œuvré au développement d'outils à base d'intelligence artificielle pour mutualiser et coupler un maximum de données radars et acoustiques. Ces données sont relevées lors d'opérations de suivi de l'avifaune et de la mégafaune marines réalisées en avion au-dessus des sites éoliens actifs ou futurs. « La standardisation des protocoles de suivi et l'harmonisation des données collectées sera utile à tous, soutient Enora Tredan, responsable du programme « Énergies marines renouvelables et biodiversité » de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). La production de données au gré du développement de l'éolien offshore dope l'accumulation de connaissances sur le milieu marin et pourrait même éprouver des mesures d'évitement ou de réduction à ajouter aux critères de sélection du cahier des charges des futurs projets, en plus du simple critère du prix. »