Mardi 19 septembre, à l'occasion d'un séminaire, les membres du comité exécutif d'EDF ont présenté les enjeux stratégiques du groupe pour les années à venir. La direction d'EDF a infléchi son discours sur deux points liés au nucléaire. Tout d'abord, l'entreprise ne met plus en avant la compétitivité économique de ses futurs réacteurs face aux renouvelables. Ensuite, elle révise sensiblement la place du nucléaire dans le mix énergétique : dorénavant, les réacteurs doivent pouvoir assurer une production variable, notamment pour réduire la production nucléaire lorsque l'électricité renouvelable afflue sur le réseau.
Compétitif par rapport aux énergies fossiles
En novembre 2016, à l'occasion d'une visite du chantier de l'EPR de Flamanville (Manche), Xavier Ursat, directeur en charge des projets "nouveau nucléaire" d'EDF, affichait une ambition forte : l'EPR nouveau modèle (EPR-NM) devait être compétitif en 2030 face à l'énergie renouvelable la moins couteuse qui pourrait être installée sur le même site. Ce futur réacteur, dérivé du modèle en construction à Flamanville, devait notamment concurrencer l'éolien offshore (en incluant le coût de raccordement des aérogénérateurs au réseau électrique). Pour y parvenir, l'électricien prévoyait d'abaisser le coût d'un réacteur à 5 milliards d'euros en rationnalisant la construction pour éviter l'étirement du calendrier. Ce montant reste valable aujourd'hui, mais l'ambition est revue à la baisse.
Il s'agit dorénavant d'"être compétitif par rapport aux énergies fossiles", explique Xavier Ursat, précisant que cet objectif se base en partie sur une forte taxation des émissions de CO2 des centrales thermiques. Ce nouvel objectif n'est pas anodin. Il semble que l'entreprise renonce à faire de son nouveau réacteur un moyen de production compétitif face à l'éolien et au photovoltaïque. Les incessantes révisions à la baisse des prix de production de l'électricité à partir des renouvelables ont sonné le glas de l'ambition initiale d'EDF. Interrogé avec insistance sur le sujet, Jean-Bernard Levy, président-directeur général d'EDF, a répondu agacé : "vous cherchez à nous faire dire des choses que nous ne vous dirons pas". Certes, mais l'entreprise ne dément pas et refuse d'évoquer la compétition économique avec les renouvelables.
Variabilité de la production nucléaire
Le repositionnement du futur réacteur ne s'arrête pas là. Jusqu'à maintenant, EDF expliquait que la compétitivité du nucléaire se justifiait notamment par sa capacité à produire à pleine puissance en continu sur plusieurs semaines d'affilée. L'avantage était double. D'une part, cela permet d'amortir les coûts de construction des réacteurs sur de grandes quantités d'électricité (le coût du mégawatheure (MWh) nucléaire s'explique essentiellement par l'amortissement des investissements initiaux). D'autre part, une production importante et continue permet d'assurer la production de "base", c'est-à-dire le socle permettant de répondre quotidiennement à la demande (les autres moyens de production servant de complément variable pour répondre aux pointes). D'ailleurs, l'optimisme affiché il y a un an par Xavier Ursat reposait explicitement sur le fait que l'EPR-NM soit capable de produire à pleine puissance en continu sur plusieurs semaines.
Mais aujourd'hui, EDF modifie son discours. Elle ne renonce pas ouvertement à cette approche, mais elle met en avant les possibilités de variation de production de son parc nucléaire. Dominique Minière, directeur du parc nucléaire et thermique, explique qu'EDF est maintenant capable de faire varier la puissance d'une trentaine de ses réacteurs de 80% à la hausse ou à la baisse en trente minutes. Cela permet de répondre à des variations de demande de l'ordre de 21.000 mégawatts (MW). EDF met donc en avant la flexibilité et la variabilité de sa production nucléaire. Cela lui permet de mieux gérer le combustible pour que les rechargements n'interviennent pas en hiver, mais aussi, et surtout, d'adapter la production aux fluctuations d'offre et de demande. Ainsi, il devient possible de réduire sensiblement la part du nucléaire lorsque la demande est basse et la production renouvelable importante (qu'elle soit française ou importée).
Reste les questions financières sur lesquelles Dominique Minière ne s'est pas étendu : Renoncer à produire au maximum de la puissance disponible n'entraîne-t-il pas une hausse du prix du MWh ? L'amortissement des lourds investissements initiaux n'est-il pas plus délicat si la production est moindre ? Cela a "peu" d'impact sur les coûts, assure le directeur du parc nucléaire.