Même son de cloche chez France Nature Environnement : ''nous suivons le dossier depuis longtemps mais nous n'avons pas été consulté. Nous avons appris le report par l'AFP. Nous sommes inquiets quant au message politique envoyé après l'abandon de la taxe carbone. Est-ce un nouveau cadeau fait aux transporteurs routiers ?'', s'interrogeait Michel Dubromel.
Que tout le monde se tranquillise, le ministère en charge de l'Ecologie a envoyé un communiqué de presse rassurant lundi en fin d'après midi : non, l'écoredevance poids lourd n'est pas abandonnée… Bien au contraire, ''la mise en place de l'éco-redevance se poursuit activement''. Ouf ! Beaucoup ont cru à un nouveau recul du gouvernement, après l'abandon de la taxe carbone… ''Ce ne serait pas étonnant, commentait Olivier Louchard lundi dans la matinée à propos du report annoncé. Ce n'est qu'une mesure du Grenelle de plus qui prend du retard. Ça fait partie de l'ambiance actuelle…''. D'autres sujets transports notamment sont en attente, comme la publication du Schéma national des infrastructures de transport (Snit) qui était attendu pour la fin 2009 mais a été ensuite reporté à l'après-régionales. ''Depuis mai 2009, c'est le silence radio. On ne sait pas du tout où ça en est'', explique le coordinateur du Réseau Action Climat.
La concertation locale se poursuit
Le ministère précise qu'une ''concertation avec les Conseils généraux est en cours afin de préciser les routes départementales sur lesquelles l'éco-redevance sera perçue. Il faut noter que la majorité des Conseils généraux souhaitent étendre le réseau taxable à leur profit''.
La concertation locale, lancée par une circulaire du Ministre d'Etat du 24 août 2009, n'est donc pas achevée. Les délibérations étaient pourtant bel et bien prévues pour février 2010.
Cette éco taxe devrait être acquittée par les poids lourds pour l'utilisation du réseau routier national non concédé et des routes départementales susceptibles de subir un report de trafic. Selon les estimations, la taxe kilométrique poids lourd devrait couvrir 13.000 à 14.000 km de route (environ 12.000 km de réseau national et 2.000 km de réseau local). Tous les poids lourds à partir de 3,5 tonnes seront soumis à la redevance, soit 600.000 véhicules immatriculés en France et environ 200.000 étrangers circulant sur le réseau français.
Les sommes récoltées devraient être affectées à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) pour le financement de modes de transport alternatifs et aux collectivités locales pour entretenir et investir dans le réseau routier. Le taux kilométrique devrait varier, selon la catégorie et la classe EURO du poids lourd, dans la fourchette 2,5 c€ à 20 c€. La recette brute attendue est de 1,2 milliard € par an. Les coûts de collecte étant estimés à 15%, la recette nette AFITF est évaluée à environ 0,88 milliard €.
Des ''problèmes techniques'' justifient le retard de mise en œuvre
''Le choix de l'entreprise qui mettra et œuvre le système de perception de la taxe est également en cours : les entreprises sélectionnées en août 2009 ont remis leur proposition initiale en janvier 2010. Le dialogue compétitif en cours permettra aux candidats de finaliser leur offre en septembre 2010 et au Gouvernement de signer un contrat de partenariat avec le lauréat avant la fin de l'année'', précise le communiqué du ministère.
Cinq candidats ont été sélectionnés l'été dernier : le groupement composé des sociétés Vinci SA, Deutsche Telekom AG et Soc 29, le groupement composé de la société Sanef SA, de la Caisse des dépôts et consignations et des sociétés Egis Projects SA, Atos Worldline SAS et Siemens Project Ventures GmbH, la société Autostrade per l'Italia SpA, le groupement composé des sociétés France Telecom SA, CS Systèmes d'Information, ETDE SA, Kapsch TrafficCom AG, FIDEPPP, SEIEF et DIF Infrastructure II BV et la société Billoo Development BV.
Selon le ministère, ces candidats ont fait part dans leur réponse aux appels d'offres de contraintes techniques pour le déploiement du système. ''A ce stade, il ressort de l'analyse des offres initiales remises par les candidats que le déploiement du dispositif serait achevé sur l'ensemble du territoire en 2012 après une expérimentation de plusieurs mois en Alsace''.
C'est le principe du télépéage en flux libre qui aurait été retenu. Les données d'identification des camions et de calcul de la redevance due devraient donc être relevées au vol tout au long des parcours, sans arrêt ni ralentissement. Pour cela, chaque itinéraire devrait être découpé en sections de tarification commandées par autant de points de tarification (de l'ordre de 3000 en tout). C'est le franchissement du point de tarification qui rend exigible la redevance correspondant au kilométrage de toute la section.
Ce dispositif devrait être testé dans un premier temps dans la région Alsace. L'écoredevance alsacienne devrait couvrir 190 kilomètres de routes nationales et produire une recette brute d'environ 30 millions par an. 54 kilomètres de routes départementales devraient également être soumises à la redevance alsacienne.
Le retard de mise en œuvre de ce dispositif n'est pas sans conséquence pour le budget de l'Etat. Avec le report de la taxe carbone, ce sont déjà 2 milliards d'euros de recettes qui ont été perdus pour cette année. Le report de l'écotaxe poids lourds crée à nouveau un vide de près d'un milliard d'euro.