Il est difficile de connaître le devenir des déchets exportés, constate un rapport officiel du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). Des données sont disponibles concernant les 2,4 millions de tonnes (Mt) exportées sous procédure de notification, mais cela ne représente que 20 % de l'ensemble. D'autre données couvrent des déchets gérés dans le cadre des filières de responsabilité élargie du producteur (REP), mais elles « [sont] relativement pauvres quand il s'agit de décrire la nature des traitements subis par ces déchets dans le pays de destination ». La mission estime toutefois que des « dynamiques d'amélioration » sont à l'œuvre. Elle mise notamment sur la fermeture des frontières asiatiques, sur le renforcement du contrôle des exportations de déchets plastique par la Convention de Bâle, ou encore le renforcement des REP par la loi Antigaspillage et économie circulaire (Agec).
Ce rapport (1) est rédigé en application de l'article 27 de la loi Agec, qui prévoyait que le gouvernement remette au Parlement un rapport sur le devenir des déchets exportés à l'étranger par la France. Celui-ci devait être rendu sous six mois après la publication de la loi, soit en août 2020.
Des métaux et des papiers-cartons
En 2020, les exportations françaises de déchets industriels et ménagers ont atteint 12 Mt, pour une valeur de 3,8 milliards d'euros. Ces chiffres sont en baisse depuis 2012, avec un recul de 28 % en valeur (l'évolution des volumes par rapport à 2012 n'est pas donnée). Mais ce recul récent fait suite à une envolée : sur les vingt dernières années, les exportations de déchets métalliques ont progressé de 80 % en volume, celles de plastiques ont été multipliées par 2,5 et celles de papiers-cartons et textiles ont triplé.
Ces exportations sont dominées par les déchets métalliques (70 % en quantité et 85 % en valeur) et les papiers et cartons (19 % en quantité et 5 à 7 % en valeur, selon les années). Les quelque 10 % restant (pour 8 à 9 % en valeur) regroupent des déchets tels que les « déchets de feu », les déchets en plastique et caoutchouc et une kyrielle de déchets classés « autres ». S'agissant des destinations d'export, l'essentiel, soit 80 % des quantités et de la valeur, reste dans l'Union européenne. « Les autres zones de destination notables sont, par ordre décroissant, l'OCDE hors Union européenne, l'Asie et l'Afrique du Nord-Proche-Orient. »
Un suivi formel peu précis
Le rapport détaille les données relatives aux 2,4 Mt de déchets exportés sous procédure de notification (c'est-à-dire les déchets exportés après consentement des autorités) et aux 1,7 Mt exportés sous procédure d'information (sans le consentement préalable des autorités). Mais, là aussi, les données sont lacunaires. « La nomenclature de la Convention de Bâle (…) permet de contrôler la cohérence des dossiers [,] mais elle nous apprend peu de choses sur le devenir des déchets, les seules catégories utilisables étant : élimination, valorisation énergétique, autres opérations de valorisation », explique le rapport.
Une collecte de données inefficace
Finalement, la France connaît mal ses exportations de déchets, et cela malgré les réglementations environnementales et douanières. Plusieurs écueils expliquent cette méconnaissance. Tout d'abord, certaines catégories de déchets sont absentes de la nomenclature douanière. C'est le cas des déchets du BTP et, jusqu'à cette année, des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE). Parfois, un même code couvre les produits et les déchets, ce qui rend inutilisables les données. La mission recommande donc que la France « [prenne] l'initiative d'une contribution au travail européen sur les propositions d'amendements (…) pour la préparation de l'édition 2027 du système harmonisé [international] (SH27) afin d'améliorer la prise en compte des déchets, des produits usagés et des produits issus du recyclage ».
Autre difficulté : la collecte est lacunaire. « Pour les flux entre États membres de l'UE, à l'expédition, la destination ultime de la marchandise n'est pas collectée », explique le rapport. Conséquence ? « Les chiffres relatifs aux exportations françaises de déchets majorent les exportations à destination des pays européens de transit et minorent les exportations à destination des pays tiers. » L'essentiel des exportations de déchets plastique vers la Belgique, et dans une moindre mesure vers les Pays-Bas, ne sont en réalité que des flux en transit vers d'autres pays.
Lutter contre les fraudes
Enfin, les pratiques des exportateurs peuvent fausser les données. Ainsi, les exportations officielles de déchets de plomb sont de l'ordre de 50 000 tonnes, mais elles laissent de côté les débris de batteries, qui représentent des volumes de plomb supérieurs. Autre difficulté : des déchets sont exportés en tant que produits d'occasion. Le rapport s'est notamment penché sur ces exportations « sous la dénomination fallacieuse » de produits des équipements électriques et électroniques (EEE) et des véhicules.
Pour les produits électroniques, le rapport s'appuie sur les données de l'étude réalisée par les éco-organismes de la filière de REP et sur des données officielles. Quelque 43 000 tonnes de DEEE ou produits usagés sont exportées dans le respect de la règlementation. Le double (94 000 tonnes) est exporté hors contrôle des éco-organismes. Quant aux trafics illicites, ils sont évalués à 190 000 tonnes. Pour remédier à cette situation, la mission recommande que les services de l'État « enjoignent aux opérateurs qui ne respectent pas l'obligation de contractualiser [avec un éco-organisme] de le faire et, en l'absence d'une régularisation dans un délai défini, leur appliquer les sanctions prévues ».
Quant aux véhicules hors d'usage (VHU), le rapport explique que 1,57 million d'unités ont été prises en charge par les centres agréés en 2018. La filière « sauvage » en aurait traité entre 400 000 et 500 000. À cela s'ajoutent 100 000 véhicules économiquement irréparables exportés. Le sujet s'avère délicat, puisque certains véhicules peuvent être réparés à moindre coût à l'étranger, ce qui rend difficile la distinction entre déchets et produits. Pour faire la différence, la mission propose de « soumettre les exportations de véhicules automobiles ne bénéficiant pas d'un contrôle technique favorable aux obligations relatives aux transferts transfrontières de déchets ».