Lundi 11 novembre débutera à Varsovie (Pologne) la 19ème Conférence des parties (COP19) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (Ccnucc). Quelque 190 Etats se réuniront jusqu'au 22 novembre afin de progresser vers l'accord mondial contraignant de réduction des émissions de gaz à effet de serre dont la signature est prévue pour fin 2015. Pour être réussie, la rencontre devra aboutir à des avancées permettant de paver la voie vers l'accord, en particulier en matière de méthodologie.
Comme de coutume, diverses instances ont rappelé l'importance de l'enjeu dans l'espoir de peser favorablement sur les négociations. Le Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue) a publié lundi un rapport (1) expliquant une nouvelle fois que, faute d'engagements ambitieux, les chances de contenir le réchauffement climatique à 2°C au cours du siècle, conformément à l'engagement pris à Copenhague (Danemark) en 2009, diminuent sensiblement à mesure que le temps passe. De même, et comme chaque année, l'Organisation météorologique mondiale (OMM) a annoncé mercredi que la concentration atmosphérique en gaz à effet de serre a atteint de nouveaux records. Enfin, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) a rendu public fin septembre la première partie de son 5ième rapport qui invalide les thèses climato-sceptiques.
Parmi les enjeux clés de la réunion polonaise figure l'élaboration d'un calendrier visant à construire progressivement l'accord final sans attendre les discussions finales qui devraient se tenir en France au Bourget. A Durban (Afrique du Sud), en 2011, les négociateurs avaient validé la date butoir de 2015, mais sans préciser le chemin qui y mène. Les ONG regardent déjà en direction de Paris et attendent beaucoup de la France (voir encart vidéo).
Voulant éviter que les principaux acteurs de la négociation n'attendent le dernier moment pour dévoiler leurs ambitions, les 28 Etats membres de l'Union européenne souhaitent que "toutes les parties s'accordent sur un processus permettant de formuler des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre ambitieux en vue de l'accord de 2015". L'objectif, si cette position est retenue à Varsovie, est d'obtenir une feuille de route qui fixera le calendrier du processus jusqu'en 2015. Il s'agirait alors de planifier parallèlement les grandes étapes techniques et politiques, les deux se nourrissant mutuellement.
Les questions ne manquent pas. Parmi les plus épineuses figurent l'établissement de règles pour la comptabilité carbone, notamment en matière de vérification, sachant que la Ccnucc en est dépourvu et que celles du protocole de Kyoto ne seraient plus applicables s'il disparaissait, la mise en place d'une procédure afin de s'assurer que l'accord permette effectivement de limiter à 2°C la hausse de la moyenne des températures mondiales, l'élaboration d'un consensus sur l'aide financière des pays industrialisés vers les pays du sud, ou encore la définition de critères déterminant les pays qui doivent participer à l'effort de réduction et la modulation de leurs efforts au regard de leur responsabilité et de leur capacité d'action.
Pour l'instant, l'élaboration de ce cadre reste flou et un seul grand rendez-vous est déjà planifié : le sommet des chefs d'Etat organisé par le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon en septembre 2014 à New York. Ainsi, rien ne garantit que les Etats acceptent de divulguer leurs engagements, ou tout au moins explicitent la façon dont ils comptent les définir, avant la toute dernière ligne droite. Il s'agit pourtant d'un enjeu essentiel pour assurer la comparabilité des efforts et rétablir la confiance entre les Etats.
Des procédures contestables et contestées
Du côté des participants, la plupart des acteurs affichent une bonne volonté. Cependant, à l'image des réactions officielles au dernier rapport du Giec, les principaux pays s'abstiennent de grandes déclarations. Seule la Chine, qui n'avait pas réagi officiellement au rapport du Giec, a communiqué en amont de la conférence, indiquant qu'elle se montrerait "flexible" dans les négociations si les pays riches respectent leur engagement financier en faveur des pays pauvres.
Reste un point d'incertitude majeur relatif à l'adoption des décisions au sein de la Ccnucc. Aujourd'hui, les décisions sont prises par consensus, ce qui implique un vote final à l'unanimité ou à la quasi. Or, aucun texte ne définit clairement cette notion et la procédure a donné lieu à de vives critiques de la part des pays refusant certaines décisions. Ce fut le cas en 2010 à Cancun (Mexique) lorsque la Bolivie a refusé l'accord, estimant que le texte manquait de substance et conduirait à ''un écocide''. Ce fut aussi le cas, en juin 2013, lors de la réunion intermédiaire puisqu'un des groupes de travail n'a pas pu se réunir, la Russie, l'Ukraine et la Biélorussie ayant remis en cause la reconduction du protocole de Kyoto adoptée à Doha (Qatar) en décembre 2012.
Si les critiques boliviennes n'ont pas eu une grande portée, ce n'est pas le cas de celles émises par la délégation russe. Ainsi, de hauts responsables de la Ccnucc ont admis qu'il était nécessaire de discuter au niveau ministériel de la façon dont on peut améliorer les procédures décisionnelles.
Mais pour modifier la règle du consensus, il faut adopter une décision en s'appuyant sur la règle actuelle… La réforme s'apparente à la quadrature du cercle. Les diplomates se montrent confiants, arguant d'une note apaisante de la Russie assurant ne pas vouloir remettre en cause les décisions passées. Mais rien ne dit que le sujet ne devienne pas ingérable si les positions se durcissaient. En tout état de cause, la Russie tient là une belle carte pour obtenir des concessions dans le cadre du futur accord.