Trois associations, Le Cran, l'Association guadeloupéenne Vivre et Lyannaj Depolye Matinik, ont adressé, le 3 mars, une « sommation interpellative » au Premier ministre et à la garde des Sceaux, informe leur avocat Christophe Lèguevaques. L'objet de cet acte d'huissier ? Demander au Gouvernement de faire la lumière sur l'enfouissement occulte de chlordécone aux Antilles après l'interdiction de l'insecticide organochloré en 1990. Les trois associations avaient déjà adressé, en décembre, un courrier à Édouard Philippe demandant la reconnaissance d'un préjudice d'anxiété pour 500 habitants exposés à la pollution. Ce courrier faisait lui-même suite au lancement d'une action collective en septembre 2019.
Les associations s'appuient sur des révélations apportées par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, qui a publié ses conclusions le 2 décembre dernier. « Nous avions également eu une dénonciation du jardin d'Éssai, où on nous disait qu'il y avait du chlordécone enterré. Nous avions demandé par écrit de fouiller. Nous n'avons jamais eu de réponses », a témoigné Joël Beaugendre, maire de Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe), lui-même auteur d'un rapport sur l'insecticide alors qu'il était député en 2005. Le Jardin d'Éssai est un terrain, situé aux Abymes, appartenant au conseil départemental et sur lequel étaient implantées plusieurs administrations.
Les associations s'appuient également sur un témoignage recueilli par France 2 dans son émission « Complément d'enquête » diffusée le 28 février. « Au lieu d'envoyer ça dans la nature, l'État a fait un trou et l'a mis là-dedans. (…) On l'a fait avec mon chef de service dans un endroit propice, on l'a enterré », a révélé un fonctionnaire du ministère de l'Agriculture.
« Crimes occultes »
« Ces informations, volontairement dissimulées depuis de nombreuses années, permettent de qualifier les faits révélés de "crimes occultes" », affirment les associations, qui réclament la mobilisation de tous les services de l'État. « Le seul moyen rapide et efficace réside dans l'ouverture d'une enquête et dans la mise en branle de l'action publique des chefs, notamment, de mise en danger d'autrui ou de pollution », indique la sommation. Une première enquête judiciaire, ouverte en 2007 et dirigée par le pôle santé publique du tribunal de Paris, n'a abouti à aucune mise en examen, rappelle Franceinfo.
Dans un communiqué publié le 4 décembre dernier à l'occasion de la publication du rapport de la commission d'enquête parlementaire, le Gouvernement avait annoncé un changement d'échelle avec le plan chlordécone IV en préparation, notamment sur la connaissance de la contamination des sols.