L'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a lancé jeudi 25 juillet la première phase de consultation publique (1) sur son projet d'avis visant à réévaluer les risques potentiels pour la santé du Bisphénol A (BPA), demandé en avril 2012 par la Commission européenne.
Dans ce projet soumis à consultation jusqu'au 15 septembre, l'Efsa a étudié de nouvelles données scientifiques qui ont permis de "réévaluer intégralement", selon elle, les risques associés à l'exposition des consommateurs au BPA depuis son dernier avis datant de 2006. Cette nouvelle évaluation constitue "une actualisation majeure", qui inclut à la fois les sources alimentaires et non alimentaires d'exposition et différentes voies de pénétration "y compris le papier, l'inhalation et la poussière", précise l'Autorité. Cette substance chimique de synthèse perturbatrice endocrinienne, est en effet utilisée par l'industrie pour la fabrication industrielle de plastiques alimentaires ou de revêtements de conteneurs métalliques (polycarbonate et polyépoxy ou résines époxydes) mais aussi l'impression de papiers de type
Les experts du groupe scientifique de l'Efsa sur les matériaux en contact avec les aliments (groupe CEF) ont appliqué deux méthodes : la modélisation d'exposition qui permet d'évaluer toutes les sources (alimentaire, papier thermique, air, poussière, jouets, cosmétiques, scellants dentaires) et les voies de pénétration (ingestion, inhalation et contact avec la peau) dans la population de l'UE, et susceptibles d'être identifiées et quantifiées individuellement. La biosurveillance humaine est la seconde méthode utilisée. Elle s'appuie sur des concentrations de BPA détectées dans des échantillons d'urine.
Une exposition alimentaire inférieure à l'évaluation de 2006
Les aliments en conserve, les viandes non mises en conserve et les produits carnés ont été identifiés "comme étant des contributeurs majeurs de l'exposition au BPA par voie alimentaire pour tous les groupes d'âge", concluent "provisoirement" les experts de l'agence européenne.
Les aliments sont donc "la principale source de BPA" pour les consommateurs mais le papier thermique est une "source potentiellement significative", précise l'agence européenne. Une analyse qui rejoint la position de l'agence française de sécurité sanitaire (Anses) qui a également pointé le 9 avril dernier des risques potentiels d'exposition via les tickets de caisse.
Les experts de l'Efsa concluent également que l'exposition alimentaire au BPA reste bien inférieure à la dose journalière tolérable (DJT) établie par l'agence à 0,05 mg/kg de poids corporel/jour (2) (ou 50.000 ng/kg/jour (3) ), tant pour les adultes que pour les nourrissons. Cette DJT a été fixée par l'Efsa en 2006 puis confirmée dans son évaluation de 2011 afin de "protéger toutes les populations humaines pour une exposition à cette substance par l'intermédiaire du régime alimentaire pendant toute une durée de vie", rappelle l'agence.
Dans ce nouveau projet d'avis, l'Efsa note que l'exposition "est plus basse que précédemment estimée" en 2006. Par exemple, pour les nourrissons (âgés de moins de trois mois), l'exposition moyenne au BPA par voie alimentaire est estimée à 135 ng/kg/jour en 2013 contre 4.000 ng/kg/jour en 2006, soit un niveau "30 fois inférieur".
De même, pour la population adulte âgée de plus de 18 ans y compris les femmes en âge de procréer, ce chiffre s'élève à 132 ng/kg/jour en 2013, contre 1.500 ng/kg/jour en 2006. Soit un niveau environ "11 fois inférieur", évaluent les experts. "À titre de comparaison, ces estimations sont inférieures à 1% de la dose journalière tolérable (DJT) pour le BPA de 0,05 mg/kg /j", précisent-ils.
Exposition au papier thermique : incertitude autour des données
Pour tous les groupes de population de plus de trois ans, le papier thermique représente quant à lui la deuxième source "plus importante d'exposition" de BPA après l'alimentation. Il peut représenter jusqu'à 15 % de l'exposition totale dans certains groupes de population, évalue l'Efsa.
Si les estimations de l'exposition par voie alimentaire basées sur la présence de BPA dans les aliments et sur des données exhaustives sur la consommation alimentaire européenne sont considérées "comme fiables", des "incertitudes" demeurent quant à la source d'exposition du papier thermique. Des données "supplémentaires doivent être recueillies", en particulier sur l'absorption cutanée du BPA et les habitudes de manipulation des tickets de caisse, afin de fournir une évaluation "très précise de l'exposition par cette voie", estime l'Efsa.
Alors qu'en France, l'Anses avait en avril souligné des risques sanitaires d'une exposition aux tickets thermiques par voie cutanée, elle avait toutefois appelé à considérer ces résultats avec prudence "compte tenu des incertitudes non quantifiables liées notamment à la caractérisation des expositions par voie cutanée, au manque de données sur la toxicité du BPA pour cette voie et à l'utilisation de repères toxicologiques dérivés de doses critiques par voie orale", avait expliqué l'agence sanitaire française.
Vers un nouveau maintien du seuil de BPA ?
Les parties prenantes sont invitées à soumettre leurs observations sur ce projet d'évaluation de l'exposition des consommateurs au BPA d'ici mi-septembre. Début 2014, l'Efsa lancera la seconde phase de consultation publique de son évaluation des risques sur les aspects concernant la santé humaine avant de finaliser son avis scientifique, attendu depuis mai 2013…
Cette consultation promet de vifs débats autour de la fixation de la DJT maintenue depuis 2006 par l'agence européenne, alors que des désaccords scientifiques demeurent quant aux impacts sanitaires à un niveau inférieur. En avril, l'Anses recommandait de "revoir la pertinence de valeurs toxicologiques de référence telle que la dose journalière tolérable pour des substances pour lesquelles les périodes de vulnérabilité ne sont pas toujours connues".