Pourtant, maintenir la compétitivité des exploitations tout en réduisant l'impact environnemental de cette activité constitue le prochain défi que devra relever l'agriculture. Et l'un n'ira pas sans l'autre. L'Inra en a d'ailleurs fait le thème de son colloque au SIA 2010. Objectif : ''présenter des approches systémiques, intégratives et transdisciplinaires afin de dépasser la tension compétitivité-environnement'', a expliqué François Houllier, directeur général délégué de l'INRA.
Ce colloque fut surtout l'occasion pour les économistes de l'institut agronomique de rappeler que la compétitivité est une notion relative, complexe qui se mesure à un moment donné dans un contexte donné et qui peut être influencée par de nombreux facteurs : la technologie, le prix des consommations intermédiaires (matières premières agricoles, énergie), les conditions du milieu naturel, la qualité du management. ''D'autres déterminants sont d'ordre macroéconomique comme le système de recherche et développement, le système d'éducation et de formation, les infrastructures de transport ou encore la fiscalité'', complète Chantal Le Mouël de l'Inra de Rennes. Les politiques publiques peuvent donc influer sur ces différents facteurs pour améliorer la compétitivité d'une exploitation ou d'une filière.
Parmi ces facteurs, il en est un qui représente un poste de charge important selon Louis Georges Soler, chercheur à l'Inra d'Ivry-sur-seine : les consommations intermédiaires. ''La difficulté à accroître les rendements de conversion de ces consommations intermédiaires en produits finaux est un des éléments mis en avant pour expliquer la relative stagnation des gains de productivité'', explique-t-il. Réduire l'utilisation de pesticides, d'engrais et les consommations d'énergie sont donc des voies de gain de productivité à ne pas négliger. Louis Georges Soler estime toutefois que ''les impacts possibles de ces réductions de coûts sur l'efficacité du secteur agroalimentaire français sont encore à notre connaissance à évaluer''. Certains craignent en effet des bilans coûts/bénéfices défavorables avec notamment des pertes de rendements.
En matière d'élevage par exemple, l'Inra milite pour le retour à la prairie pâturée : selon les recherches de Jean-Louis Payraud de l'Inra de Rennes, les systèmes valorisant l'herbe rémunèrent bien le travail et sont respectueux de l'environnement : moins de perte en azote, moins de consommations d'énergie, moins de pesticides, plus de stockage de carbone...
Reste désormais à faire évoluer les mentalités. Les solutions alternatives ont prouvé leur intérêt, il faut désormais les mettre en œuvre ce qui ne sera pas chose facile. ''Malgré un certain nombre d'atouts, les prairies pâturées sont considérées comme étant des systèmes passéistes par les jeunes agriculteurs'', témoigne Jean-Louis Payraud ajoutant que ''la jeune génération est passionnée pour le machinisme ce qui est antinomique avec le développement du pâturage''. La formation est donc un élément déterminant. ''Cela fait 15 ans que l'on a prouvé la rentabilité des prairies, on a donc un vrai problème culturel'', renchérit Lionel Vilain, de la fédération France Nature Environnement. ''Les écoles ont pris les choses en main mais on a une inertie des appareils de formation. A-t-on encore le temps avant que des dégradations irréversibles apparaissent'', s'interroge Lionel Vilain.