Composé de 20 scientifiques indépendants issus de 15 Etats membres, le comité scientifique de l'AEE justifie sa position en évoquant ses craintes concernant les pressions environnementales additionnelles qui résulteraient de l'augmentation de la production d'agro(bio)carburants que ce soit en Europe ou à l'extérieur de l'Europe dans le cas d'importation. Le conseil scientifique de l'agence estime que la production d'agro(bio)carburants de première génération n'emploie pas de façon optimale les ressources en biomasse en ce qui concerne l'économie d'énergie fossile et à la réduction de gaz à effet de serre. L'AEE encourage par conséquent les technologies de production directe de chaleur et d'électricité à partir de biomasse parce qu'elles sont plus économiquement concurrentielles et plus efficaces écologiquement que la production de carburants pour les véhicules, explique-t-elle. L'AEE ajoute que l'utilisation de biomasse doit nécessairement se faire de concert avec des améliorations d'efficacité énergétique ce qui à son avis n'est pas encore le cas pour la majorité des applications dans le domaine des véhicules à moteur.
Le conseil scientifique de l'AEE estime en outre que les surfaces arables nécessaires pour atteindre l'objectif de 10% excèderont les disponibilités européennes et ce, même si une contribution considérable des agro(bio)carburants de deuxième génération est assurée. Les conséquences de l'intensification de la production d'agro(bio)carburants augmenteront de ce fait les pressions sur les sols, l'eau et la biodiversité, conclut l'AEE. Même si l'Union européenne prévoit de définir des critères de durabilité pour éviter ces pressions environnementales, l'Agence est convaincue que l'Union européenne devra se tourner vers d'autres pays exportateurs pour satisfaire ses besoins. Or, le conseil scientifique rappelle qu'il est difficile de surveiller les conditions de fabrication à l'extérieur de l'Europe : la destruction accélérée des forêts tropicales dues à la production croissante d'agro(bio)carburants peut déjà être observée dans plusieurs pays en voie de développement, précise-t-il.
Malgré ces critiques, Barbara Helfferich, porte-parole du commissaire à l'Environnement Stavros Dimas a affirmé à l'AFP qu'il n'était pas question pour l'instant de suspendre l'objectif fixé pour les agro(bio)carburants. La Commission envisage tout de même de supprimer les subventions dédiées à ces cultures.
La France risque d'ailleurs de ne pas apprécier vu l'intérêt que le pays porte aux agro(bio)carburants. En février dernier, le Ministre de l'agriculture et de la pêche Michel Barnier, a réaffirmé que le gouvernement continuait de soutenir la politique de développement des agro(bio)carburants. L'objectif est clair : 7% en 2010. Convaincue que cet objectif est un facteur de développement d'emploi sur les territoires et d'indépendance énergétique, la France semble espérer beaucoup des critères de durabilité que doit définir l'Europe prochainement.
Mais pour l'association de protection de l'environnement Greenpeace, ce soutien est uniquement économique : il faut cesser de se voiler la face : le volontarisme français en matière d'agro(bio)carburants repose davantage sur des considérations économiques, c'est-à-dire offrir des débouchés à l'agriculture industrielle intensive et rentabiliser des investissements industriels que des considérations environnementales, estime Jérôme Frignet. L'association encourage par conséquent la France à remettre en cause la participation significative des agro(bio)carburants aux objectifs français en matières d'énergies renouvelables à l'image de l'Allemagne qui après avoir évoqué un objectif d'incorporation de 10% d'éthanol d'ici à 2009 a fait marche arrière.