Les collectivités d'outre-mer hébergent une biodiversité unique avec 26 fois plus de plantes et 60 fois plus d'oiseaux endémiques qu'en métropole. Mais elles sont très vulnérables à tous types de perturbations dont les introductions d'espèces. Or, de nombreuses espèces animales ou végétales ont été introduites en outre-mer : 2.000 plantes à la Réunion, 1.400 en Nouvelle-Calédonie, 1.700 en Polynésie française, 1.200 aux Antilles (Guadeloupe et Martinique). Certaines se révèlent très envahissantes et agressives et sont une cause majeure de l'appauvrissement de la biodiversité dans les collectivités d'outre-mer.
C'est dans ce contexte que le Comité français de l'UICN a conduit une étude sur les espèces exotiques envahissantes à l'échelle de tout l'outre-mer. Publiée le 2 juillet, elle dresse l'inventaire de ces espèces et de leurs impacts, recense les outils réglementaires, les actions de lutte, les programmes de recherche et les stratégies mises en oeuvre, et propose des recommandations pour améliorer la réponse face aux invasions biologiques.
Ainsi d'après l'UICN, 49 espèces figurant parmi les 100 plus envahissantes au monde sont présentes en outre-mer. 42 espèces de vertébrés exotiques et près de 300 espèces végétales représenteraient une menace déjà réelle ou potentielle pour les écosystèmes d'outre-mer. L'UICN dénombre ainsi plusieurs espèces introduites ayant entraîné la modification du fonctionnement des écosystèmes et la régression ou l'extinction d'espèces indigènes.
En Guadeloupe et en Martinique, la mangouste est une cause de raréfaction pour diverses espèces d'oiseaux et de reptiles. Elle menace directement le moqueur gorge blanche, un oiseau classé en danger d'après la Liste rouge de l'UICN. Par ailleurs, au moins douze des 1.200 plantes introduites aux Antilles ont un caractère envahissant, comme le pin des Caraïbes, le tulipier du Gabon ou le pomme-rose.
Du côté de La Réunion, une centaine d'espèces végétales sont aujourd'hui envahissantes dans les milieux naturels et une centaine d'autres sont potentiellement envahissantes. La liane papillon, par exemple, menace les derniers vestiges de la forêt semi-sèche.
En Nouvelle-Calédonie, une récente expertise collégiale coordonnée par l'IRD a identifié 67 plantes exotiques envahissantes majeures. Concernant les vertébrés, 39 espèces exotiques sont rencontrées dans la nature, dont 20 espèces ont des impacts avérés localement ou sont connues ailleurs pour être envahissantes.
Le rapport montre que parmi les espèces inscrites sur la Liste rouge de l'UICN présentes en outre-mer, un amphibien sur trois et plus d'un oiseau sur deux sont directement menacés par des espèces exotiques envahissantes.
Dans toutes les collectivités d'outre-mer, de multiples acteurs se mobilisent, mais ils font face à des contraintes communes qui limitent leur action. Pour l'Union mondiale pour la Nature, les moyens financiers disponibles ne sont ni suffisants ni pérennes et le cadre réglementaire en place ne permettrait pas une gestion appropriée du risque. La lutte contre les espèces exotiques envahissantes est d'autant plus difficile et coûteuse que le processus d'invasion est avancé, a déploré l'organisation.
L'UICN a élaboré plusieurs recommandations qui visent notamment à renforcer les cadres réglementaires pour une meilleure prévention des invasions, à promouvoir la mise en place de cellules de veille et de réaction rapide, à consolider les connaissances et la sensibilisation, et à développer la coordination des actions au niveau des bassins biogéographiques et à l'échelle de l'outre-mer.
La France, qui s'est engagée à stopper le déclin de la biodiversité sur son territoire, ne pourra atteindre cet objectif sans une mobilisation forte sur cet enjeu majeur pour l'outre-mer, a prévenu l'UICN.