Le législateur ne peut pas imposer aux installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND) d'accueillir les déchets ultimes des installations de réemploi, de recyclage et de valorisation des déchets de façon large et sans mesure compensatoire. En effet, une telle obligation peut porter une atteinte disproportionnée aux contrats passés entre les exploitants de décharges et les autres apporteurs de déchets, estime le Conseil constitutionnel, dans une décision (1) rendue le 11 février. Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet immédiatement. Toutefois, elle ne s'applique pas aux déchets des installations de recyclage et de valorisation ayant fait une demande d'acceptation de leurs résidus avant la décision du Conseil.
En novembre dernier, le Conseil constitutionnel avait été saisi par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant l'obligation faite aux exploitants de décharges de réceptionner, au prix habituellement facturé pour des déchets semblables, les résidus de tri des installations de valorisation de déchets performantes. Cette saisine s'inscrit dans le cadre d'un recours déposé, en août 2021, par la Fédération nationale des activités de dépollution (Fnade). Cette dernière demandait l'annulation des deux textes réglementaires mettant en œuvre l'article 91 de la loi Antigaspillage pour une économie circulaire (Agec) : un décret, publié en juin 2021, fixant notamment « le prix habituellement facturé », et par un arrêté, publié en juillet 2021, définissant les critères de performance à respecter par les installations de tri, de recyclage et de valorisation.
Une mesure disproportionnée
Le Conseil s'est penché sur un des quatre arguments avancés par la Fnade. Celle-ci expliquait que, compte tenu de la saturation des décharges, les exploitants pourraient avoir à refuser certains déchets pour accepter les résidus de tri des installations performantes. Cela reviendrait à ne pas honorer certains contrats, ce qui est contraire au droit au maintien des conventions légalement conclues.
Le Conseil rappelle d'abord que, conformément aux articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le législateur ne peut porter atteinte aux contrats légalement conclus. Sauf à justifier cette atteinte par un motif d'intérêt général suffisant.
Ici, l'obligation d'accepter les déchets ultimes des filières de réemploi, de recyclage et de valorisation peut faire obstacle à l'exécution d'autres contrats conclus précédemment, constate le Conseil. Mais, avec cette mesure, le législateur a bien cherché un objectif constitutionnel : la protection de l'environnement. Pour autant, la mesure attaquée est-elle proportionnée à l'intérêt général poursuivi ?
Non, estime le Conseil constitutionnel. Et cela pour trois raisons. Tout d'abord, le dispositif s'applique à tous les résidus de valorisation, y compris à ceux qui n'ont pas de difficulté à accéder à des exutoires.
Un dispositif mal cadré
Ensuite, le fait que la demande d'accès à une ISDND doive être formulée au moins six mois avant l'apport des déchets « n'est pas de nature à garantir [que l'exploitant de la décharge] sera en mesure, à la date de réception de ces déchets, d'exécuter les contrats préalablement conclus avec les apporteurs d'autres déchets ».
Enfin, les apporteurs de déchets qui verraient leur contrat non honoré, faute de capacité d'enfouissement suffisante, « sont privés, quelle que soit la date de conclusion de leur contrat, de la possibilité de demander réparation des conséquences de cette inexécution ».
En conséquence, le Conseil constitutionnel juge que si le législateur peut imposer une obligation de réceptionner certains déchets ultimes en décharge, les dispositions inscrites dans la loi Agec « portent une atteinte manifestement disproportionnée au droit au maintien des conventions légalement conclues ».