Quatre-vingt-un sénateurs UMP ont déféré le 6 mai au Conseil constitutionnel la loi interdisant la culture des maïs transgéniques votée la veille. Les parlementaires considèrent que la primauté du droit international et du droit communautaire sur le droit français n'est pas respectée. Ils expliquent également que le texte voté ne respecte pas le principe de précaution énoncé par la Charte de l'environnement et qu'il manque au principe de clarté et de précision, rapporte l'AFP.
Le jour même où le Sénat a voté cette loi d'interdiction, le Conseil d'Etat rejetait la demande de suspension de l'arrêté ministériel interdisant la culture du maïs MON 810 produit par Monsanto. Les anti-OGM peuvent donc a priori se prévaloir d'une double garantie : une loi et un arrêté permettant d'interdire la culture du MON 810 en France. Toutefois, cette interdiction reste fragile.
Interdiction fragile
Il est fort probable que le Conseil d'Etat annule l'arrêté du ministre de l'Agriculture comme il l'avait fait pour les deux arrêtés qui l'ont précédé, sa décision de lundi s'étant limitée à rejeter, pour défaut d'urgence, une demande de suspension du texte dans le cadre d'une procédure en référé.
De même, les probabilités que le Conseil constitutionnel déclare non conformes les dispositions de la loi sont loin d'être minces. "Cette loi est (…) contraire au droit européen actuel", juge Guy Kastler de la Confédération paysanne pourtant opposée à la culture des OGM. Ce dernier explique que les mesures d'urgence qui peuvent être prises exigent la validation par une étude publiée dans une revue scientifique officielle de l'existence d'un risque grave pour la santé ou l'environnement. "Or, une telle étude ne peut pas être réalisée ni publiée sans l'accord du titulaire du brevet de l'OGM, seul détenteur des semences de base indispensables à sa réalisation", explique le représentant du syndicat agricole.
"Les gouvernements ont pourtant un autre moyen d'interdire les OGM : (…) renforcer leur évaluation en tenant compte des impacts sur les systèmes agraires", estime Guy Kastler qui dénonce le "marché de dupe" proposé par la Commission européenne. Cette dernière veut simplifier et accélérer les procédures d'autorisations européennes, explique-t-il. En échange, elle propose aux Etats de réviser la directive 2001/18 pour les autoriser à interdire la culture de certains OGM sur leur territoire, ce qui permettrait de rendre conforme la loi française d'interdiction des maïs transgéniques. "Mais ils ne pourront le faire qu'avec l'accord de l'entreprise qui produit l'OGM ou sur la base d'arguments acceptés par l'Organisation mondiale du commerce", dénonce le syndicaliste, qui demande à Ségolène Royal de refuser un tel marché.