Ainsi dans le scénario de référence basé sur le modèle énergétique actuel, l'AIE prévoit que la demande globale en énergie primaire augmentera de 53% d'ici 2030. Plus de 70% de cette augmentation viendra des pays en voie de développement, menés par la Chine et l'Inde. Elle se traduira par exemple par une demande mondiale de pétrole qui pourrait atteindre 116 millions de barils par jour en 2030 contre 84 millions en 2005. Les émissions globales de gaz à effet de serre qui en résulteraient dont le CO2 atteindront 40 gigatonnes soit une augmentation de 55% par rapport à aujourd'hui. La Chine rattrapera les Etats-Unis au titre des plus grands émetteurs de CO2 dès 2010. Ces tendances accentueront fortement la vulnérabilité des pays consommateurs aux risques de ruptures d'approvisionnement et amplifieront les bouleversements climatiques.
À ce scénario inquiétant, l'AIE oppose un scénario alternatif basé sur une action politique forte. Dans ce scénario, la demande énergétique globale est réduite de 10% en 2030 ce qui équivaut à la consommation énergétique de la Chine d'aujourd'hui. Les émissions globales de CO2 seraient réduites de 16% soit l'équivalent des émissions actuelles des Etats-Unis et du Canada sur la même période. Dans les pays de l'OCDE, les importations de pétrole et les émissions de CO2 seront à leur maximum d'ici 2015 avant de chuter. Pour arriver à ce résultat, l'AIE mise sur l'amélioration de l'efficacité énergétique et parallèlement sur une plus grande utilisation de l'énergie nucléaire et des énergies renouvelables pour réduire la demande et les émissions des combustibles fossiles. Selon l'AIE, la mise en place de politiques énergétiques de ce type dans une douzaine de pays clefs suffirait à diminuer de 40% les émissions globales de CO2. Pour l'AIE, les tendances énergétiques décrites dans ce scénario serviraient chacun des trois principaux buts de la politique énergétique : sécurité d'approvisionnement, protection de l'environnement et efficacité économique améliorée.
La bonne nouvelle, explique Claude Mandil, est que ces politiques alternatives sont très rentables. Certes il y a des surcoûts d'investissements mais ils sont rapidement compensés par les économies d'énergie réalisés. Selon le rapport de l'AIE, les investissements supplémentaires qui seront répercutés aux consommateurs seront moins importants que les économies qui seront réalisées sur les infrastructures de fourniture d'énergie. Autrement dit, pour 1€ d'investissement dans un appareillage électrique plus efficace, 2€ seront économisés dans l'investissement en production d'électricité, transmission et infrastructure de distribution. L'économie serait donc importante sachant que l'AIE a estimé qu'en restant dans le scénario actuel il faudra consacrer 20.000 milliards de dollars au secteur énergétique pour assurer les besoins en gaz, en pétrole et en charbon soit 17% de plus que prévu en 2005 par l'AIE.
Ainsi, dans son analyse, l'AIE rejoint le rapport STERN publié dernièrement. Ne rien faire et entretenir le système actuel coûtera plus cher que de changer de voie de développement énergétique. Les économies d'énergie et l'efficacité énergétique sont donc les deux principaux axes que les gouvernements doivent privilégier selon l'AIE.
Par ailleurs, le rapport souligne qu'il ne faut pas négliger l'utilisation parallèle d'autres sources d'énergie dont le nucléaire et les biocarburants. Selon l'AIE, l'énergie nucléaire pourrait apporter une contribution importante à la réduction de la dépendance au gaz importé et à limiter des émissions de CO2 d'une manière rentable. L'énergie nucléaire demeure une option potentiellement attrayante pour augmenter la sécurité de l'approvisionnement en l'électricité et atténuer les émissions de CO2 mais le financement est un véritable défi, a souligné M. Mandil. Concernant les biocarburants, l'AIE estime qu'ils peuvent contribuer significativement aux besoins en énergie des transports mais se concentre sur les biocarburants de deuxième génération qui font appel à l'ensemble de la plante et seront ainsi plus efficace et plus rentable. D'autre part, l'AIE rappelle que les biocarburants sont en compétition avec l'utilisation alimentaire des sols. Dans un contexte d'une démographie galopante, cette problématique sera de plus en plus prégnante à l'avenir.
Claude Mandil en est convaincu, une action politique forte est nécessaire pour mettre le monde sur une voie énergétique plus durable. C'est au tour des politiques de démontrer leur engagement.