En France, la politique de traitement des sites et sols pollués est basée sur l'utilisation finale du site. Cette utilisation va conditionner le niveau de dépollution à apporter. Autrement dit, inutile de dépolluer très finement un site si c'est pour réinstaller une nouvelle activité industrielle. En revanche, dans le cas d'un projet de logement, il faut une dépollution exemplaire de manière à garantir la santé et la qualité de vie des résidents. De plus, la dépollution ayant un coût souvent proportionnel aux efforts de dépollution à fournir, elle prend une place importante dans le budget du projet immobilier. Ainsi, la découverte d'une pollution non soupçonnée au cours d'un chantier peut remettre en cause la viabilité financière du projet voire le projet en lui-même. D'ailleurs, les professionnels de l'immobilier et de l'aménagement hésitent encore à s'engager car cette « variable environnementale » reste encore difficile à cerner. Si à une époque le coût de la dépollution pouvait décourager de nombreux promoteurs, c'est désormais l'incertitude qui fait hésiter. La hausse du prix du foncier permet désormais de couvrir les frais de dépollution mais seulement si ces derniers sont précisément estimés en amont.
En attendant de ressentir les bénéfices de la loi « risques » concernant la connaissance des pollutions en amont des projets, les collectivités recherchent les bons interlocuteurs, développent des outils et échangent leurs expériences afin de limiter au maximum les « mauvaises surprises ». Ce fût le cas à l'occasion d'un colloque organisé fin octobre organisé par l'ADEME. Il en ressort que l'anticipation doit être au cœur de ce type de projet. Bien connaître le terrain et par conséquent les pollutions qui s'y trouvent est essentiel pour prévoir les techniques de dépollution à employer, le temps que cela prendra et le coût qu'il faudra prévoir dans le budget total. Mais il existe autant d'outils et de démarches que de projets.
Dans la région Nord-Pas de Calais, l'établissement public foncier (EPF) s'est mobilisé pour faciliter la prise en compte des informations relatives aux anciens sites industriels ou ayant abrité des activités de service. En se basant sur l'inventaire BASIAS* du Bureau de recherche géologique et minière (BRGM), l'EPF a réalisé un atlas en rajoutant un travail de cartographie et en croisant les données avec des informations urbaines et environnementales. Une version informatique disponible sur cdrom permet une recherche rapide et une diffusion simplifiée de l'information. Dans cette initiative, l'EPF a joué un rôle majeur et il s'avère que ce type d'établissement, quand il existe au niveau régional ou départemental, peut être un interlocuteur privilégié pour la collectivité. Établissements publics spécialisés dans la conduite de politiques foncières, les EPF sont une spécificité française qui depuis leur création dans les années 70, ont une grande expérience des pratiques de négociation foncière et juridique et peuvent sur ce point accompagner les collectivités.
En région Rhône-Alpes cette fois-ci, la communauté urbaine de Lyon a opté pour la réalisation d'un Inventaire Historique Urbain (IHU) en prévision des futurs projets urbains. Plus précis et plus complet que l'inventaire BASIAS, l'IHU permet de suivre toute la vie des sites non seulement sous l'angle environnemental mais aussi sous l'angle foncier : attribution de permis de construire, opérations foncières, etc. Pour Lyon, l'inventaire est en cours de réalisation, il sera disponible en 2007. Les premières estimations font apparaître un recensement qui concernerait environ 7.000 sites sur l'ensemble du département du Rhône contre 550 sites identifiés dans BASIAS.
A une échelle plus locale mais toujours à Lyon, la SEM Lyon Confluence a de son coté choisi de réaliser une Evaluation Détaillée des Risques (EDR) sur l'ensemble de la presqu'île Sud de Lyon dans le cadre de sa requalification. D'une superficie de 41 ha, cette friche industrielle se prête au déploiement de fonctions urbaines centrales : logements, commerce, activités tertiaires, loisirs... Mais ces terrains ont accueilli des usines à gaz, des plateformes de stockage de charbon, un port commercial, un arsenal et autres équipements durant la révolution industrielle ce qui laisse supposer la présence d'une pollution du sol et sous-sol. Réaliser une EDR revient à identifier les pollutions et vérifier la cohérence des aménagements pour assurer la santé et la sécurité des futurs usagés. C'est pourquoi, l'histoire industrielle de la presqu'île a été passée au crible avec les produits chimiques utilisés, les substances polluantes, la mesure de la qualité des sols, les produits utilisés sur des sites limitrophes, etc. Ce n'est donc pas un plan de dépollution mais un état des lieux complet du site et de son histoire. Au final, l'EDR doit permettre de faciliter la prise de décision relative à la découverte de substances chimiques lors des travaux. Par ailleurs, mise à disposition des industriels encore présents sur le site, elle peut les aider à réaliser leur propre étude et à proposer les traitements adéquats. L'EDR peut également constituer un document de référence pour la protection des travailleurs du chantier et un outil pédagogique permettant d'expliquer la démarche environnementale.
En Lorraine, la méthode a été différente. Les profondes mutations industrielles ont entraîné l'apparition de plus de 6.000 ha d'espaces dégradés incluant les sites miniers, industriels, ferroviaires, militaires et urbains. Dans ce contexte difficile et complexe la région a choisi de créer un pôle de recherche réunissant tous les acteurs qui interviennent dans la dépollution des sols. Ce pôle composé de plusieurs laboratoires s'est installé sur une friche industrielle. Ils bénéficie sur place d'une mise en situation idéal pour tester et valider des techniques de dépollution par exemple. Des industriels de l'environnement ont été invités à venir s'installer sur les parties non polluées ou dépolluées du site. La région a ainsi su transformer le lourd handicap des sites pollués en atout pour développer de nouvelles activités économiques.
Avec la nouvelle loi risque, il n'y a pas que les collectivités qui ont gagné en responsabilités. Les industriels doivent également rendre des comptes. C'est sur ce créneau que s'est créée la société VALGO spécialisé dans la réhabilitation de sites « clés en main ». Lorsqu'un site ferme, l'entreprise doit souvent réaliser des travaux de dépollution avant de revendre son terrain. Or les deux étapes étant totalement dissociées, il est parfois difficile pour l'entreprise de financer des travaux sans savoir si le terrain sera racheté suffisamment cher pour au moins couvrir ces travaux. L'entreprise est donc tentée de faire le strict minimum. Le principe de la société VALGO est donc de réaliser des travaux financés par l'entreprise cliente puis de racheter le terrain au prix des travaux pour développer une nouvelle activité comme un hôtel ou une maison de retraite. Les travaux ne sont engagés que si la société Valgo a trouvé un projet à réaliser sur le terrain. Pour le propriétaire industriel du site, la manœuvre est financièrement indolore. La société VALGO devient le nouveau propriétaire du site sans avoir payé le terrain au prix fort.
Désormais l'étape de dépollution d'un site est une composante importante des projets de renouvellement urbains voire essentielle. Les projets ne se déroulent plus de l'amont en aval ou du concept au chantier mais découlent des terrains, de leur histoire, de leur pollution. C'est à partir du terrain que l'on évalue ce qu'il est possible de faire. L'anticipation semble donc la clef du succès !