Il apparaît selon cette étude, que l'origine des déchets est multiple et que face à l'hétérogénéité des nomenclatures, aux manques de statistiques et à la complexité du secteur, tout bilan mondial sur la production de déchets est difficilement réalisable. En revanche, il est plus facile de se baser sur la collecte pour laquelle les données sont mieux connues. Ainsi l'étude CyclOpe/ Veolia évalue le gisement mondial de déchets collectés à 2,5 milliards de tonnes par an. Autrement dit, la société actuelle produit à peu près autant de déchets chaque année que de céréales dont la production s'élève à 2 milliards de tonnes.
Sur ces 2,5 milliards de tonnes, 1,2 milliards sont des déchets municipaux. Il apparaît logiquement que la collecte de ces déchets est corrélée à la richesse et à l'urbanisation du pays considéré. Un Américain produit en moyenne 700 kg de déchets par an contre 150 kg pour un Indien. Entre ces deux extrêmes, les situations varient en termes de collecte ou de nature de déchets : plus les peuples sont riches, plus ils sont sophistiqués et plus leurs déchets se chargent d'emballage plastique, papier, verre, métaux mais peu en déchets alimentaires. Par conséquent les modes de traitement diffèrent.
Au niveau mondiale, la mise en décharge représente toujours le mode de traitement le plus répandu mais en fonction de leur économie, de la réglementation, de leur géographie ou de leur histoire, chaque pays a développé sa propre philosophie du déchet. Les facteurs géographiques ont par exemple été déterminants aux Etats-Unis ou en Australie où la surface du pays permet la mise en décharge de plus de 60% des déchets alors qu'au Japon, au Danemark ou dans les mégalopoles asiatiques, l'incinération a été privilégié par manque de place. Dans d'autres pays comme en Europe, les facteurs culturels et économiques ont fortement pesé sur les préférences pour le recyclage et l'incinération. Dans les pays en développement, les dépôts sauvages et le recyclage informel réalisé par les populations urbaines les plus pauvres demeurent aujourd'hui le mode dominant d'élimination des déchets.
Concernant les déchets industriels non dangereux c'est-à-dire banals (DIB), l'étude se veut prudente. La faible fiabilité des données ne permet pas de dresser un bilan réaliste de la production mondiale. Aux États-Unis par exemple, il n'y a pas de quantification différenciée de ces déchets. En Chine, les estimations réalisées par différents organismes vont du simple au double. Cependant une relation assez logique se dessine : les volumes des DIB à traiter par les pays dépendent de leur taux d'industrialisation et de leur structure industrielle. Les secteurs industriels et manufacturiers les plus importants en termes de déchets produits sont notamment : la métallurgie, l'industrie chimique, l'industrie agroalimentaire et l'industrie du bois et papier. Mais certaines exceptions sont à noter notamment au sein même de l'Union Européenne. L'étude révèle des situations très contrastées et des écarts importants entre la Finlande par exemple avec 2.300 kg/hab/an de DIB provenant en grande partie de son industrie du bois et le Danemark qui malgré une industrie papetière également très développée ne produirait que 340 kg/hab/an de DIB. Cette différence proviendrait du fait que le Danemark classerait ces résidus de bois comme des sous-produits valorisables et non comme des déchets.
Cette inégalité d'appréciation entre pays est encore plus marquée dans le domaine des déchets dangereux. Même si la Convention de Bâle de 1986 établit une liste de déchets « dangereux », force est de constater qu'il n'y a pas d'homogénéité réelle dans les définitions de ces déchets et par conséquent dans leur quantification. L'étude se risque tout de même à évaluer à environ 150 millions de tonnes la production mondiale de déchets dangereux. Cette incertitude risque de se maintenir encore longtemps à cause notamment des déchets dangereux des ménages de plus en plus diffus à mesure que la liste des substances dangereuses s'allonge, surtout en Europe.
Au-delà d'une évaluation du gisement mondial de déchets, l'Etude CyclOpe/Veolia s'est également intéressée à l'usage et au commerce du déchet. Dans un contexte où l'utilisation durable des ressources devient un défi et un facteur de compétitivité, la valorisation des déchets s'inscrit dans des marchés de plus en plus mondiaux. Le développement de la valorisation matière et énergétique couplé à des cadres réglementaires et fiscaux différents d'un pays à un autre entraîne des mouvements d'échange de déchets et de matériaux recyclés.
Plus de 135 millions de tonnes de textile, plastiques, ferrailles et métaux non-ferreux sont échangés chaque année sur la planète. Les matières secondaires constituent aujourd'hui un des flux les plus importants à sillonner les mers.
Concernant la valorisation énergétique, le secteur est évidemment intimement lié au contexte énergétique actuel : renchérissement du coût de l'énergie, sécurité et indépendance énergétique, conformité au protocole de Kyoto. On compte aujourd'hui dans environ 35 pays plus de 600 unités d'incinération avec récupération d'énergie, traitant près de 170 millions de tonnes de déchets municipaux. Environ 50% de ces volumes sont incinérés en Europe et au Japon. L'étude a évalué de façon grossière que la quantité d'énergie issue des cette valorisation énergétique équivalait à 600.000 barils de pétrole par jour. Cette contribution représente une part significative des besoins énergétiques en Europe puisque les 400 unités d'incinération approvisionnent 27 millions d'habitants en électricité ou 13 millions d'habitants en chaleur. L'étude estime que ce mode de valorisation devrait prendre de l'ampleur au niveau mondial, réservant à priori de nombreuses polémiques à venir à l'instar de celles qui concernent les incinérations français.
La valorisation matière est, quant à elle, rattachée à l'idée d'économie des ressources. Les matières organiques, le bois, les papiers/cartons, le verre, les plastiques, les métaux, les batteries, les DEEE, les textiles et certains solvants sont les principaux matériaux destinés à être recyclés. La plupart de ces matériaux font l'objet d'un marché plus ou moins important au niveau régional (compost), national (verre) ou international (papiers). Les taux de valorisation de ces matériaux diffèrent d'un pays à un autre selon leur part dans la poubelle, la législation, la culture. En Egypte par exemple, la ville d'Alexandrie composte un quart de ces déchets pour produire 120.000 tonnes de compost par an utilisé pour amender les terres sableuses gagnées sur le désert. Globalement les marchés des matériaux issus de la récupération progressent et s'internationalisent. Ils pèsent actuellement plus de 600 millions de tonnes, emploie 1,5 million de personnes et représentent un chiffre d'affaires de 160 milliards de dollars.
Ce marché du déchet quel que soit le mode de traitement et de valorisation devrait continuer à prendre de l'ampleur dans la mesure où la planète Terre va au cours de ce siècle atteindre ses limites démographiques, environnementales, agricoles et énergétiques. Les hommes vont devoir redécouvrir le sens de la rareté qu'ils ont perdu ou oublié pendant les deux derniers siècles et se rapprocher de l'idéal naturel qu'est le cycle de la matière : rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme.