Actuellement, il existe deux catégories d'instruments économiques applicables à la collecte des déchets : les taxes et les redevances. La taxe touche le contribuable pour qu'il prenne part aux dépenses réalisées par l'autorité locale pour la communauté. Les redevances, quant à elles, sont utilisées pour financer des services individuels. Le montant de la redevance peut être calculé à partir de plusieurs critères (nombre de ménages participants, nombre de personnes dans le ménage, taille de l'habitation, volume des déchets). Le but étant que la redevance prélevée finance entièrement le service de collecte et de traitement des déchets de la commune. On parle de « redevance incitative » lorsque la facture est calculée en fonction de la production de déchets ce qui sous-entend que l'habitant est incité à réduire sa production pour payer moins cher.
Au sein de l'Europe, tous les modes de financement sont mis en œuvre mais diffèrent selon les pays. Si la redevance incitative est largement diffusée en Autriche ou en Belgique, elle l'est beaucoup moins en France où la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) est appliquée dans 64% des communes soit 82% de la population. Les premières redevances incitatives françaises datent de 1997. Aujourd'hui 14 collectivités ont choisi ce mode de financement et une petite dizaine travaille dessus. En France, la redevance incitative est uniquement appliquée aux ordures ménagères résiduelles communément appelées « la poubelle grise ». C'est pourquoi dans la majorité des cas, la redevance incitative se compose d'une part fixe qui couvre les dépenses liées à la collecte des autres déchets (collective sélective, tri, déchèteries, frais généraux) et d'une part variable liée au volume de la poubelle grise.
Il existe plusieurs manières d'évaluer le volume de cette poubelle grise et d'en déduire le montant de la facture. Le paiement peut être rattaché à l'achat de sacs ou de vignettes à coller sur les sacs auprès de la collectivité mais ce système n'est pas appliqué par les collectivités françaises qui préfèrent l'utilisation de bacs roulants. Dans ce cas, le paiement peut dépendre soit du nombre de présentations du bac, soit du poids du bac qui est alors pesé au moment de l'enlèvement c'est la « pesée-embarquée », soit du volume du bac. Dans le dernier cas, le prix de location du bac est proportionnel à son volume.
Mais ces méthodes de mesures peuvent se cumuler. Le SICTOM de Baume-les-Dames, par exemple, a mis en place une redevance incitative en 2005. La part variable de sa redevance est calculée sur le nombre d'enlèvements et sur le poids des ordures. Le syndicat facture 0,80€ par enlèvement, 0,16€ le kilo d'ordures et la part fixe s'élève à 35€ par an. Le syndicat mixte Montaigu-Rocheservière a quant à lui opté pour un tarif par bac et un coût au vidage. Ainsi le bac de 80L est loué 21,33€ par semestre avec un vidage à 2,76€ alors que le bac de 340L revient à 111,97€ par semestre et 7,46€ par vidage.
Le choix du mode de financement est laissé à l'appréciation de la commune en fonction de son historique et de ces moyens mais dans tous les cas les motivations qui poussent une collectivité à mettre en place une redevance incitative sont très souvent les mêmes : équilibre financier, responsabilisation des habitants, transparence et justice. Du côté des usagers, la redevance incitative est globalement bien perçue parce qu'elle sous-entend plus d'équité et de transparence dans le financement. Selon un sondage réalisé par la CLCV auprès de 500 internautes, 88% des interrogés se déclarent pas assez informés et 89% estiment que le système actuel de taxe leur apparaît injuste. D'ailleurs, 71% des interrogés estiment qu'ils paient trop cher l'élimination des déchets ménagers et voient dans la redevance incitative un moyen de réduire leur facture et parallèlement le volume de déchets. Les plus sensibilisés des interrogés vont même jusqu'à espérer une réduction du recours à l'incinération.
Mais tout n'est pas si simple. Si plusieurs études ont démontré l'impact positif et incontestable de la redevance incitative sur l'efficacité du tri sélectif avec une hausse progressive des quantités d'emballages triés et une réduction des ordures ménagères résiduelles, la redevance incitative ne permet pas systématiquement de réduire la production de déchets et la facture. Elle entraîne un transfert de flux de la poubelle grise vers la collecte sélective mais la quantité totale de déchets ne diminue pas, même si plusieurs communes observent une stabilisation de la production de déchets alors que la moyenne nationale augmente d'année en année. De même, l'association AMORCE se veut prudente en précisant que la redevance incitative n'a pas d'effet direct sur la mise en place ou non d'installations de traitements de déchets comme les incinérateurs. Il y a toujours une fraction d'ordures ménagères à traiter. Elle peut jouer sur le long terme sur la taille des installations mais pas sur leur nombre. La redevance incitative doit être complétée par une incitation à la réduction des déchets à la source, rappelle Nicolas Garnier, Délégué général de l'association.
Autre idée reçue : la redevance incitative de réduit pas systématiquement la facture de l'habitant. Le passage de la taxe à la redevance induit systématique un rééquilibrage. Certains paieront moins, d'autres plus. Les coûts de traitement continuent à augmenter que ce soit l'incinération ou le compostage et de nombreuses communes augmentent la part fixe de la redevance d'une année sur l'autre. Par exemple, la communauté de communes du Pays de Ribeauvillé a mis en place sa redevance incitative en janvier 2002. La part fixe est passée de 36€ la première année à 75€ en 2006.
Mais cet aspect financier est contrebalancé par une transparence des financements. Les habitants ne sont pas contre payer plus cher si la commune leur explique en détail les raisons de ces augmentations. Ainsi la redevance incitative pousse la collectivité à s'investir, à identifier précisément ses dépenses et recettes ce qui peut mettre en évidence des postes de réduction de coût. Par ailleurs, la redevance incitative invite la commune à communiquer et à rendre des comptes, ce qui crée une relation plus honnête et plus directe avec ses habitants qui, en contrepartie, prennent conscience de leurs impacts et se sensibilisent à l'environnement en général. Ils seront plus réactifs à d'autres problématiques environnementales par la suite.
Cet effort de communication et d'implication nécessaire et les bouleversements administratifs qu'entraîne la mise en place de la redevance incitative sont les principales réticences exprimées par les collectivités. Il faut entre 2 à 3 ans de préparation avant l'entrée en vigueur d'une redevance ce qui nécessite une forte volonté politique et une implication de tous les acteurs de la commune. Pourtant la redevance incitative intéresse de plus en plus de collectivités en France, à l'image des 400 participants présents à la journée technique organisée par l'ADEME sur ce thème mercredi dernier. Selon Rachel Baudry de l'ADEME, on observe une recrudescence de l'intérêt des collectivités pour ce mode de financement. Certaines ont déjà pris la décision politique et sont en phase d'étude. La redevance incitative devrait prendre de l'ampleur au cours des prochaines années, estime-t-elle. Pourtant, des obstacles réglementaires empêchent certaines communes de tester la redevance incitative. En effet, la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale appelée « loi Chevènement » oblige une harmonisation des modes de financements sur un même territoire. Autrement dit, une commune ne peut mettre en place la redevance incitative que si toute la communauté de communes à laquelle elle appartient en fait de même. Pour les communes qui avaient mis en place la redevance avant 1999, la loi ne s'applique pas. C'est le cas de Besançon, l'une des plus grandes villes à pratiquer la redevance incitative. La gestion des déchets a été transférée à la communauté de communes depuis janvier 2006 et les différents modes de financement coexistent actuellement. Devant les bons résultats de Besançon, des débats sont en cours pour l'extension de ce mode de financement aux 59 communes de l'agglomération.
Pour celles qui souhaitent passer à la redevance incitative, il faut donc convaincre les voisines de faire de même. Plusieurs outils de simulation budgétaire sont en préparation pour encourager et accompagner les collectivités dans la mise en place de la redevance incitative car une gestion rigoureuse des finances est une garantie de réussite. Mais après des décennies de pratique d'une taxe à caractère fiscal et forfaitaire, l'adoption d'une redevance incitative conduit à un changement culturel qui demandera du temps et un certain courage politique.