C'est l'occasion ou jamais de marquer des points dans le dossier des biocarburants, a déclaré Mariann Fischer Boel, membre de la Commission chargé de l'agriculture et du développement rural. Les prix du pétrole brut restent élevés, le protocole de Kyoto nous fixe des objectifs stricts et la controverse récente autour des importations de gaz a mis en lumière la nécessité d'accroître l'autonomie énergétique de l'Europe.
Parmi les actions, l'une vise à stimuler la demande de biocarburants. La Commission a présenté une proposition destinée à favoriser l'emploi de véhicules propres et efficaces du point de vue énergétique. Un rapport sera également publié en 2006 concernant la possible révision de la directive sur les biocarburants.
La Commission s'intéresse à la manière dont les biocarburants peuvent contribuer au mieux à la réalisation des objectifs en matière d'émissions. La Commission s'attachera à garantir la durabilité de la culture des matières premières utilisées dans la fabrication des biocarburants et réexaminera les valeurs seuils de la teneur en biocarburants dans l'essence et le diesel.
De manière à développer la production et la distribution de biocarburants, la Commission proposera la mise en place d'un groupe spécial chargé d'analyser les possibilités offertes par les biocarburants dans le cadre des programmes de développement rural et renforcera ses mesures de surveillance afin d'éviter la discrimination à l'égard de leur utilisation.
Souhaitant étendre le champ d'approvisionnement, la Commission va inclure la production de sucre en vue de la fabrication de bioéthanol dans les régimes d'aide au titre de la PAC. Elle étudiera les possibilités de transformer les stocks de céréales d'intervention, financera une campagne d'information à l'intention des agriculteurs et des propriétaires de forêts, présentera un plan d'action pour la sylviculture et examinera les possibilités d'utilisation des sous-produits d'origine animale et des déchets propres.
Pour renforcer les possibilités commerciales des biocarburants, la Commission étudiera la possibilité de présenter une proposition concernant des codes douaniers distincts pour les biocarburants. Elle adoptera une approche équilibrée dans les négociations commerciales avec les pays producteurs d'éthanol et présentera des propositions de modification de la norme biodiesel.
L'une des actions s'intéressera à l'aide aux pays en développement dans lesquels la production de biocarburants pourrait stimuler une croissance économique durable, estime la commission. Elle veillera à ce que les mesures en faveur des pays signataires du protocole sur le sucre et qui ont été touchés par la réforme du régime sucrier de l'UE puissent être utilisées pour favoriser le développement de la production de bioéthanol. L'Europe mettra au point des mesures d'aide aux pays en développement dans le domaine des biocarburants et étudiera les moyens de soutenir au mieux les plateformes nationales et régionales de biocarburants.
De nombreux pays en développement se trouvent tout naturellement en position favorable pour la production de matières premières utiles à la fabrication de biocarburants, en particulier ceux dont le secteur sucrier est traditionnellement important, a souligné Louis Michel, membre de la Commission chargé du développement. Le marché communautaire des biocarburants actuellement en pleine expansion leur offrira de nouvelles possibilités d'exportation. Grâce à l'aide au transfert de connaissances et au développement de leur potentiel commercial, l'UE les aidera à exploiter au mieux cette possibilité.
Le dernier point de la stratégie concerne la recherche. Soulignant qu'elle continuera de soutenir le développement d'une « plateforme technologique sur les biocarburants » conduite par l'industrie, qui formulera des recommandations sur la recherche à mener dans ce secteur, la Commission précise que le 7e programme-cadre accordera une priorité essentielle aux biocarburants, en particulier au concept de « bioraffinerie » (recherche d'une utilisation optimale de toutes les parties de la plante), et aux biocarburants de la deuxième génération.
De plus, par l'intermédiaire du programme « Énergie intelligente pour l'Europe », la Commission financera la mise sur le marché et la diffusion de technologies éprouvées.
À l'occasion de la sortie de cette communication, le WWF a réclamé une éco-certification visant à garantir que les biocarburants sont produits dans des conditions durables. Il est nécessaire que l'UE introduise un système de certification obligatoire pour tous les biocarburants, qu'ils soient produits dans l'UE ou importés d'ailleurs, a déclaré Geert Lejeune, Directeur des Programmes au WWF-Belgique. Un tel système de certification devrait être basé sur le potentiel réel des biocarburants à réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi sur la réduction des impacts environnementaux défavorables liés à leur production, ceci afin de contribuer à limiter les émissions de gaz à effet de serre dans l'UE tout en protégeant l'environnement dans les pays en développement, et ce d'une manière durable. Pour le WWF, comme l'UE ne sera probablement pas en mesure de satisfaire par elle-même ses besoins en biocarburants, tout système de certification devra être étendu également aux carburants importés.
D'après l'organisation, ce système devra prendre en considération le potentiel de chaque biocarburant à réduire les émissions des gaz à effet de serre. La pratique actuelle qui consiste à considérer d'office chaque biocarburant comme un carburant renouvelable sans tenir compte de la façon dont ces carburants sont produits, est contre-productive, a estimé Geert Lejeune. i>Des mécanismes de sécurité doivent être mis en place pour protéger les forêts tropicales et la biodiversité. Il faut aussi prendre en compte des critères sociaux tels que les conditions de travail dans les pays du sud. La procédure fédérale d'attribution pour les biocarburants actuellement en préparation doit également tenir compte de ces critères.
À l'heure actuelle, des millions d'hectares de forêts tropicales sont déjà détruits pour faire place à des plantations de palmiers à huile, de soya ou de canne à sucre (les principales sources de biocarburants), ce qui met gravement en danger la diversité biologique. L'utilisation d'OGM et de pesticides dans de telles plantations est elle aussi néfaste pour la diversité biologique, notamment par la pollution des sols et des eaux.
Rappelons qu'en Europe, les pays dont la consommation de biocarburants est la plus importante sont*, pour la filière éthanol, l'Espagne (180 000 tonnes utilisées sous la forme d'ETBE en 2003), la France (77 000 tonnes) et la Suède (50 000 tonnes, essentiellement en direct) et, pour la filière EMHV, l'Allemagne (715 000 tonnes), la France (357 000 tonnes) et l'Italie (273 000 tonnes). Un certain nombre de pays d'Europe Centrale et Orientale ont également développé la production de biocarburants (116 000 tonnes d'éthanol en Pologne, 90 000 tonnes d'EMHV en République Tchèque).
Dans le monde, le Brésil et les Etats-Unis sont de très loin les deux leaders en termes de production et de consommation d'éthanol avec des productions respectives estimées en 2005 à 167 millions d'hectolitres et 130 millions d'hectolitres.
Le biocarburant dont la production est la plus importante dans le monde est de loin
l'éthanol. L'éthanol est utilisé en mélange à taux faible (5, 10, 20 ou 25 %) mais les mélanges à taux élevé (85 % d'éthanol) se développent grâce à la technologie des « flex-fuel vehicles » qui peuvent admettre des mélanges éthanol/essence à taux variable. Cette situation a deux origines principales, explique le rapport sur l'optimisation du dispositif de soutien à la filière biocarburants : la prédominance de la consommation d'essence dans le monde extra-communautaire qui explique qu'on ait privilégié un biocarburant incorporable dans l'essence, mais aussi l'importance économique de la culture de la canne à sucre au Brésil et le poids aux Etats-Unis des cultivateurs de maïs du Middle West.
La filière des esters d'huiles végétales (huiles de soja, huiles de friture recyclées) ou de graisses animales est relativement nouvelle en Amérique du Nord (100 000 m3 aux USA en 2003) mais connaît désormais une croissance rapide. Le Brésil vient de lancer un grand programme fondé sur les huiles de ricin et de soja. La consommation totale d'EMHV dans le monde s'élève à environ 2 millions de m3.
Les biocarburants connaissent également un essor dans des pays tels que l'Australie et la Chine.
* Source Ministère de l'Industrie : Rapport sur l'optimisation du dispositif de soutien à la filière biocarburants, septembre 2005 et IFP