La commission particulière du débat reconnaît dans son compte-rendu que le débat en public s'est quelques fois transformé en débat de spécialistes en public mais que les citoyens revenaient vite à des questions pragmatiques. En effet, l'homme, sa santé, sa sécurité, son environnement pour lui et pour ses enfants a été la préoccupation constante du public. Ce dernier est principalement sensible aux risques d'exposition, de détournement de matière radioactive à des fins terroristes et au risque de prolifération. Ces craintes associées à d'autres constats ont conduit à un consensus sur la nécessité d'élargir le périmètre de la loi de 2006 à l'ensemble des déchets et matières nucléaires et leur devenir à long terme.
Le public a également exprimé ses attentes en termes de définitions des responsabilités et des rôles de chaque acteur de la filière, des obligations qui en résultaient et des moyens de contrôle. Une attention particulière a été donnée à l'indépendance des acteurs et surtout à la transparence et à la véracité des informations. La question « Comment voulez-vous que l'on vous croie ? » a été très souvent posée et reflète le manque de confiance du public envers l'activité nucléaire en général. La même réflexion s'est posée au niveau des techniques : Comment les scientifiques peuvent-ils être sûrs ? Les gens veulent être assurés et non pas rassurés, c'est donc de maîtrise et pas seulement de gouvernance dont il est question.
S'il y a eu consensus et accord sur plusieurs orientations, d'autres sont restés en suspens. La question du Secret Défense a notamment provoqué quelques discussions houleuses. Faut-il tout dire au risque de dévoiler des informations stratégiques ou techniques utilisables pour des personnes mal intentionnées ou les cacher ce qui pourrait être pris pour du mensonge et entamerait la confiance des citoyens ?
Concernant le choix technique de gestion des déchets et plus particulièrement ceux de faible et moyenne radioactivité à vie longue, le sérieux du travail des organismes de recherche a été reconnu. Par la loi du 30 décembre 1991, le Gouvernement avait quinze ans pour approfondir les recherches et trouver une solution pour le stockage des déchets les plus dangereux. Cette loi définissait trois axes principaux de recherche : la séparation et la transmutation, le stockage en couches géologiques profondes et l'entreposage de longue durée en surface. Quinze ans après et malgré de nombreuses avancées, des interrogations subsistent. Certains estiment que les données actuelles sont suffisantes pour choisir une des techniques dès maintenant et ne pas laisser ce choix « aux régénérations futures », d'autres estiment que 10 ans de recherche voire plus, seraient nécessaires pour ne pas mettre de côté des solutions qui pourraient s'avérer intéressantes. La majorité des experts s'entendent pour dire que la transmutation est faisable mais nécessite encore plusieurs années de recherche pour espérer une démonstration en 2020 et une application industrielle en 2040. Donc le dilemme se joue entre le stockage profond et l'entreposage de surface. Alors que l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA), l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (Irsn) et l'Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Techniques (OPECST) semblent privilégier la technique du stockage géologique profond, le débat a fait ressortir la solution de l'entreposage en surface qui a reçu un certain soutien du fait notamment de sa réversibilité. En effet, il est envisageable, dans ce cas, de reprendre ce qui a été stocké pour le traiter si les techniques évoluent alors que le stockage profond est définitif.
Ainsi la controverse s'est focalisée sur le choix entre le stockage et l'entreposage. Les scientifiques conviennent que le choix est d'ordre éthique : faut-il faire confiance à la société et aux générations futures en entreposant ou faire confiance à la géologie en stockant ? Pour choisir, les défenseurs de l'entreposage proposent la création d'un site expérimental. La décision de construire une installation pilote d'entreposage réversible de longue durée en sub-surface s'impose pour avoir un choix réel dans dix ou quinze ans. Le choix est éthique, il faut laisser le temps à la société de le mûrir, affirment les experts.
Pour le stockage géologique profond, le site expérimental de Bure a semble-t-il convaincu l'ANDRA : « Faisable », a-t-elle conclu dans un rapport remis en décembre aux autorités du nucléaire en France. Quand l'Andra conclut sur la faisabilité de principe, elle conclut sur un stockage sûr, précise Marie-Claude Dupuis, sa Directrice Générale.
Ainsi certains demandent plus de certitudes avant la prise de décision. Cette position a été souvent reprise par les citoyens qui demandent à être assurés de la sécurité de telle ou telle technique. Selon les élus, cette assurance permettrait de mieux faire accepter les projets au niveau local et de lever les freins qu'ils rencontrent souvent sur leur territoire.
Au-delà des considérations sécuritaires, les citoyens demandent également un véritable projet de territoire de manière à valoriser leur identité territoriale. À travers cette demande, les citoyens expriment un besoin de concertation local et d'implication. L'idée d'un référendum local a souvent été évoquée. À Bure par exemple, sur le site expérimental de stockage profond, 50.000 signataires de pétitions exigent l'organisation d'un référendum en Meuse et Haute-Marne pour être concertés sur la transformation du laboratoire en zone de stockage définitif. Mais une collectivité locale ne peut organiser un référendum sur un sujet qui n'est pas de sa compétence comme c'est le cas pour le nucléaire.
Conformément à ses attributions, la Commission Particulière du débat public sur la gestion des déchets radioactifs a présenté son compte-rendu à l'OPECST (Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Techniques) le 31 janvier dernier. Il doit servir de base de réflexion pour le projet de loi et le débat parlementaire. À l'heure actuelle, la première ébauche de la loi est entre les mains du Conseil d'État mais il semblerait, selon certains experts, qu'elle ne réponde pas aux attentes émises lors des débats publics. Selon Benjamin Dessus, chercheur au CNRS, rien de ce qui a été proposé n'a été repris dans le projet. Selon lui, la décision a déjà été prise et le gouvernement semble avoir choisi le stockage profond. Le débat risque donc de se poursuivre au Parlement dont la consultation est prévue de fin mars à fin juillet.
Parallèlement à ce projet de loi, l'Andra vient de publier une nouvelle version de l'Inventaire national des déchets radioactifs et des matières valorisables. Les évolutions entre l'Inventaire 2004 et l'Inventaire 2006 sont essentiellement dues à l'identification de nouveaux petits producteurs comme les hôpitaux ou les laboratoires. En quelques chiffres, la France stockait et entreposait, fin 2004 et selon les déclarations des producteurs 1.032.717 m3 de déchets radioactifs. 76,8% sont des déchets de faible et moyenne activité à vie courte, 14% de très faible activité, 4,6% de faible activité à vie longue et 4,4% de moyenne activité à vie longue. Les déchets de très haute activité, les plus dangereux, ne représentent que 0,2% du volume total.
En termes de nouveautés, la présente version de l'Inventaire propose désormais une approche géographique par région et par producteur. Ainsi on peut se rendre compte que 62,5% du volume de déchet est produit par le secteur électronucléaire, 24,1% par la recherche, 10,1% par la défense, 3,1% par les industries non nucléaires et 0,2% par le secteur médical.
Dans cet inventaire, l'Andra propose également une évaluation de la quantité de déchets produite par les installations actuelles sur toute leur durée de vie, et ce dans deux scénarii contrastés : un qui se base sur le non renouvellement du parc actuel à l'horizon 2020, et un qui suppose la poursuite de la filière électronucléaire à long terme.
Dans un souci de transparence, l'Andra met à disposition gratuitement les résultats de cet inventaire et invite les lecteurs à faire part de leurs réactions. Le ministère en charge de l'industrie a renouvelé son soutien à l'inventaire national en souhaitant qu'il soit remis à jour tous les trois ans. La prochaine édition sera donc rendue publique en 2009.