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Actu-Environnement

« L'éolien est technologiquement très compliqué »

L'IFP Énergies nouvelles coordonne de nombreux projets de recherche pour améliorer la performance des éoliennes, limiter leurs impacts et développer des méthodes pour une meilleure appropriation locale des parcs. Tour d'horizon avec Daniel Averbuch.

Interview  |  Energie  |    |  F. Roussel
Hors-série - Octobre 2022
Cet article a été publié dans le Hors-série - Octobre 2022
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« L'éolien est technologiquement très compliqué »
Daniel Averbuch
Responsable du programme de recherche et d’innovation sur l’éolien offshore, Ifpen.
   

Actu-Environnement : L'Ifpen, en collaboration avec France énergie éolienne, organisait pour la première fois une journée scientifique consacrée à l'éolien, ce 11 octobre. Pourquoi créer un tel événement ?

Daniel Averbuch : Contrairement aux idées reçues, l'éolien est technologiquement très compliqué, car c'est une industrie en soi, avec une recherche de performance et de réduction des coûts permanente. D'ailleurs, l'Ifpen travaille sur ces sujets depuis 2011 et y consacre une trentaine d'équivalents temps plein associés à des thésards. Or, nous avons pu constater, il y a quelque temps, qu'en France, il n'existait pas de tribune scientifique pour parler de l'éolien en général, hormis FOWT, l'événement consacré à l'éolien offshore flottant. Pour autant, les sujets scientifiques et technologiques sur ce thème sont nombreux, y compris des sujets sociétaux. L'idée était donc de créer un lieu de rencontre entre académiques et industriels pour parler de sujets scientifiques et de recherche autour de l'éolien, en complément de ce qui existe déjà.

AE : Quels sont les axes de recherche sur le plan technologique dans le domaine ?

DA : Un certain nombre de recherches sont liées aux machines elles-mêmes et à leur taille de plus en plus imposante. Pour l'éolien offshore par exemple, on arrive bientôt à des machines de 20 MW de puissance, avec des pales longues de plus de 120 mètres… Cela pose tout un tas de questions sur la manière dont on les conçoit et comment on modélise leurs mouvements. Si les pales sont très longues, elles vont subir de grands déplacements, des déformations, ce qui nécessite des modèles aérodynamiques de nature différente que ceux utilisés jusqu'à présent. Par ailleurs, si les machines sont de plus en plus hautes, les pales atteignent la couche limite atmosphérique dans laquelle la vitesse du vent ne suit plus les mêmes tendances qu'à plus faible altitude. Il faut savoir modéliser ces situations. Autre exemple, avec l'éolien flottant : quand les éoliennes sont sur des flotteurs, il faut bien décrire leur comportement, comment la houle, le vent, les ancrages vont interagir. C'est d'une grande complexité. De nombreux projets de recherche travaillent à améliorer les connaissances, et l'Ifpen y est très actif.

AE : Quels sont les axes de recherche sur les parcs et leur interaction avec le milieu ?

DA : L'un des sujets à étudier est la manière dont les éoliennes interagissent, c'est l'effet de sillage. La vitesse du vent est diminuée pour celles situées en aval du sens du vent. Il faut pour autant maximiser la production, ce qui nécessite des modèles qui décrivent précisément ces phénomènes. C'est important, car avec un parc offshore de 80 éoliennes, cela peut avoir un impact sur la production et l'économie des projets. L'Ifpen développe ainsi le logiciel FarmShadow, qui traite de ces questions. Tout un pan de la recherche s'attèle aussi à mieux contrôler les éoliennes grâce à des automatismes. Quand le vent ne souffle pas trop, il faut le récupérer au maximum. Mais quand il est trop puissant, il faut changer l'angle des pales autour de leur axe, limiter la portance et ainsi restreindre la récupération d'énergie pour ne pas surcharger la génératrice. De nombreuses recherches se focalisent d'ailleurs sur la technologie du Lidar afin de mesurer le vent – sa vitesse, mais aussi sa turbulence – depuis la nacelle de l'éolienne, mais également à distance, avant qu'il n'atteigne la machine. Ainsi, au lieu de rétroagir, l'éolienne va anticiper la force du vent. Le contrôle assisté par Lidar est en train de passer du laboratoire à des tests grandeur nature et pourrait déboucher sur un allongement de la durée de vie des machines. L'Ifpen travaille dans ce domaine avec son partenaire Vaisala.

En mer, il est difficile de mesurer le vent durant de longues périodes, surtout lorsque le Lidar est en mouvement sur une bouée. Des Lidar spécifiques à l'offshore sont en développement. Encore faut-il savoir interpréter les données, et surtout éliminer celles non pertinentes dues au milieu. La communauté de recherche essaie de mettre en place des chaînes de modèle de l'atmosphère à l'électron, pour avoir des outils de simulation. Nous travaillons par exemple avec Météo-France pour développer des modèles qui couplent météo et éolien.

AE : Qu'en est-il des sujets écologiques autour du développement de l'éolien ?

DA : C'est un grand volet des recherches en cours. Car il est nécessaire de mieux caractériser les impacts d'une éolienne ou d'un parc. Comment cela dérange-t-il le milieu naturel, pendant l'installation et après ? Si j'ai une fondation en mer, vais-je créer un récif artificiel ? Les vibrations sont aussi très étudiées. De nombreux travaux sont en cours sur la question de l'effarouchement : quelle méthode mettre en place pour éviter les interactions avec la faune ? Des recherches misent sur le développement de méthodes de bridage intelligents à certaines périodes de l'année, lors des mouvements migratoires des oiseaux. Des systèmes de détection des volatiles sont aussi en développement pour que l'éolienne ralentisse, voire s'arrête toute seule, évitant ainsi la collision.

AE : L'une des raisons pour lesquelles les projets éoliens prennent du retard est leur non-appropriation locale. Travaillez-vous sur ces sujets ?

DA : Oui, des projets de recherche essaient de bien comprendre les mécanismes sociaux qui créent l'opposition ou l'intérêt pour l'éolien. Ces recherches interrogent la façon de planifier spatialement l'installation des parcs. C'est le cas de ceux installés sur le domaine maritime. Le mécanisme de planification spatiale s'est fait différemment pour l'appel d'offres AO4 par rapport aux précédents. C'est parti d'une grande zone, puis l'État a organisé un débat national pour identifier les zones de moindre impact.

Mais cela ne suffit pas toujours, il faut aussi travailler sur l'implication locale, un sujet peu avancé en France. Au Danemark par exemple, au début du développement de l'éolien, une grande partie des parcs était la copropriété des communes. Le degré d'acceptation y est bien meilleur. Preuve qu'il s'agit d'un sujet majeur, il existe d'ailleurs un groupe de recherche spécifique au sein de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), baptisé « La tâche 28 » de l'IEA Wind TCP. Il s'agit d'un forum international au sein duquel des experts se réunissent, définissent les problèmes et appliquent des solutions aux échelles locales, régionales et nationales. La tâche 28 sert à synthétiser la recherche actuelle et à identifier les lacunes, tout en faisant progresser la diffusion de l'information. Un point essentiel pour le futur de l'éolien.

Réactions2 réactions à cet article

Ce titre "l'éolien c'est compliqué"... On enfonce des portes ouvertes, mais on comprend surtout... donnez-nous plus de sous ! Venant de l'IFP, Institut Français du Pétrole (le "EN" est purement décoratif, comme chez Total, qui les finance grassement), c'est révoltant.

dmg | 13 octobre 2022 à 10h06 Signaler un contenu inapproprié

Pour être rentable un système doit être le plus simple possible : l'énergie grise ne doit pas dépasser l'énergie produite !

laurent | 13 octobre 2022 à 10h24 Signaler un contenu inapproprié

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