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AccueilFlorie MaurinCentrales électriques virtuelles et décentralisées : un changement de paradigme

Centrales électriques virtuelles et décentralisées : un changement de paradigme

Aujourd'hui, les technologies numériques permettent d'avoir la main à distance sur un panel de petites centrales électriques. Une révolution à l'origine du concept des centrales virtuelles que nous détaille Florie Maurin, consultante mc2i Groupe.

Publié le 16/10/2018
Actu-Environnement le Mensuel N°385
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°385
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Le 6 février dernier, le gouvernement d'Australie-Méridionale annonçait un partenariat avec Tesla pour le déploiement, d'ici 2022, de la plus grande centrale électrique virtuelle du monde. Cette dernière devra permettre, non seulement, d'alimenter 50.000 foyers australiens, pour un bilan carbone presque nul, mais aussi de réguler l'équilibre du réseau électrique de la région en temps réel. Explications et enjeux d'une telle innovation.

Mais qu'est-ce qu'une centrale électrique virtuelle au juste ?

Imaginez trois acteurs. X possède trois panneaux solaires, Y a un champ de 60 éoliennes et Z est un industriel dans la chimie qui participe au marché de l'effacement1. De manière individuelle, aucun ne peut valoriser ses actifs énergétiques sur le réseau ni sur les marchés financiers de l'énergie car ils sont trop petits. X, Y et Z doivent s'allier pour apparaître comme une seule et même entité auprès des gestionnaires des réseau de transport et de distribution ainsi que sur les marchés financiers de l'énergie.

Une centrale électrique virtuelle ou VPP (Virtuel Power Plant) consiste à mettre en réseau une myriade de micro-acteurs décentralisés par le biais d'un système d'information unique et central qui reçoit et envoie des données en temps réel ; l'objectif étant de piloter ses unités individuelles comme une seule et même entité unique. Des petits producteurs propriétaires de leurs installations éoliennes, photovoltaïques, hydrauliques (…), des consommateurs d'électricité et des dispositifs de stockage d'énergie (batteries ou dispositifs Power to X) sont alors pilotés par un même poste de commande qui envoie et reçoit des milliards de données afin de commercialiser de l'électricité de manière commune, en assurant l'équilibre sur son périmètre.

L'atout principal des centrales électriques virtuelles réside dans leur flexibilité : le fait qu'elles puissent adapter leur production rapidement (en quasi temps réel) en fonction des besoins du réseau électrique leur permet de proposer de manière optimale leur production sur les marchés financiers de l'électricité. Une des premières centrales virtuelles françaises est celle de Centrales Next qui a vu le jour en 2015.

Les prérequis pour la mise en place d'une centrale électrique virtuelle

Au même titre qu'Airbnb ne possède aucun hôtel, un opérateur de centrale électrique virtuelle ne possède aucune installation produisant de l'énergie mais un système d'information robuste, fiable et ultra performant. En 2005, la Commission de Régulation de l'Energie statuait déjà sur le concept de centrale électrique virtuelle, mais ce sont les années 2010 qui signent leur montée en puissance et ce, grâce à l'augmentation de la performance des outils informatiques via l'apparition des nouvelles technologies de l'industrie 4.0 ou du M2M2.

Le système d'information d'une centrale électrique virtuelle doit coordonner en temps réel l'activité de ses unités individuelles via des API3 ou des commandes à distance intégrées dans les installations au moyen de connexions via un tunnel sécurisé qui utilise les infrastructures de communication publiques. C'est alors un réseau électrique intelligent bidirectionnel et distribué qui se crée.

Des acteurs majeurs de la technologie de pointe tels que SCHNEIDER ELECTRIC ou SIEMENS ont développé une offre de service pour la mise en place de centrales électriques virtuelles. Elles se rendent à la portée d'un large public grâce aux multiples offres SaaS qui fleurissent sur l'internet telles que NEMOCS ou GreenSync.

Du côté des consommateurs, ceux qui consomment plus de 100.000 Kwh/an peuvent être mis en réseau par un compteur électrique intelligent installé chez eux et qui leur permet d'accéder directement aux signaux de prix du marché4 de l'électricité. Le but est alors d'optimiser leur facture énergétique en reportant leur consommation lorsque l'électricité est en abondance ou en la vendant lorsque le marché est dit “court”. Les consommateurs particuliers, quant à eux, ne pourront intégrer une centrale électrique virtuelle qu'en possession du compteur intelligent Linky.

Enfin, l'avènement de la technologie “blockchain”, qui permet la vente d'énergie en peer to peer (P2P), est une opportunité formidable pour les entreprises et les particuliers au sein d'une même centrale électrique virtuelle qui pourront choisir leur producteur d'énergie via des “smart contracts”. Les producteurs, eux, pourront vendre leur énergie directement en gré à gré en évitant un intermédiaire grâce à l'offre Enerchain, par exemple, lancée par Ponton.

Contrecarrer le caractère intermittent des énergies renouvelables mais pas que ...

Augmentation croissante de la demande d'électricité, nouvelles sources d'énergie et de stockage, nouveaux modes de consommation et de production... le réseau électrique doit intégrer les technologies du numérique pour faire face à de nouveaux défis ; telle est la logique sous-jacente au concept de centrale électrique virtuelle.

Forte de ses unités individuelles de types différents, la centrale électrique virtuelle permet de contrecarrer le caractère intermittent des énergies renouvelables (ENR) pour les intégrer au réseau en garantissant sa stabilité. Elle est donc un acteur clé quant à l'augmentation de la part des ENR dans le mix énergétique des pays.

Les centrales électriques virtuelles offrent de "l'énergie de réglage" et représentent une alternative aux installations traditionnelles souvent consommatrices en énergies fossiles pour couvrir les pics de consommation. Via le mécanisme de capacité5, les centrales électriques virtuelles permettent à de petits acteurs de se positionner sur ce marché - il s'agit pour la centrale virtuelle de réunir une capacité d'au moins 1MW afin de demander une certification auprès du gestionnaire de réseau de transport. Les investissements à moyen terme (4 ans) se dirigeaient alors vers des installations produisant de l'énergie verte plutôt que vers des centrales à charbon, par exemple.

Il s'agit aussi pour les centrales électriques virtuelles de pouvoir alimenter en énergie les zones isolées non couvertes par le réseau traditionnel d'électricité. Par exemple, le Danemark a développé le projet Power Hub, une centrale électrique virtuelle ayant pour but de renforcer la stabilité de l'approvisionnement des micro-réseaux des îles Féroé.

Au cœur du développement d'une production décentralisée qui agit sur un réseau intelligent, ces centrales électriques incarnent à elles seules l'avènement d'une nouvelle ère dans laquelle « l'internet de l'énergie [permettrait de] transformer le système centralisé actuel en une toile de micro-acteurs qui peuvent vendre et acheter de l'énergie grâce aux technologies de l'information » (Jeremy RIFKIN dans une interview à Libération).

Au centre de cette toile d'acteurs, Rudy Provoost imagine le consommateur "maître de son énergie" (Energie 3.0, transformer le monde énergétique pour la croissance). Cela implique que le consommateur est aussi producteur et/ou acteur de sa consommation, grâce à des dispositifs de pilotage “donnant un accès à chacun à son monde énergétique”.

1 Marché grâce auquel un consommateur peut valoriser le fait de réduire ou stopper sa consommation sur sollicitation de son opérateur d'effacement, en général lors des pics de consommation. Un effacement est ponctuel, volontaire et non prévu.
2 Le concept de machine to machine (terme issu de l'anglais), parfois abrégé par le signe M2M, utilise les télécommunications et l'informatique pour permettre des communications entre machines, et ceci sans intervention humaine.
3 En informatique, une interface de programmation applicative (souvent désignée par le terme API pour application programming interface) est un ensemble normalisé de classes, de méthodes ou de fonctions qui sert de façade par laquelle un logiciel offre des services à d'autres logiciels.
4 Permettent de refléter la tendance du marché et incorporent de nombreuses variables en plus du coût de production.
5 Le mécanisme de capacité consiste à valoriser et à rémunérer des unités de production électrique sur la base de leur puissance disponible. Il vise in fine à pouvoir garantir à tout instant l'équilibre entre production et consommation sur un réseau électrique et ainsi à assurer la sécurité de l'approvisionnement, en particulier lors des pics de demande (Connaissance des énergies)

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Crédits photos : Florie Maurin

2 Commentaires

Pégase

Le 18/10/2018 à 13h56

Article fort instructif sur un sujet particulièrement intéressant et porteur de développements forts prometteurs.
Le schéma illustrant l'article semble montrer que les flux principaux sont constitués de données numériques, non d'électricité. Le monde est décidément de plus en plus virtuel.
Par ailleurs, a-t-on une idée de ce que consomme en électricité une centrale électrique virtuelle pour son propre fonctionnement ?

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Dmg

Le 18/10/2018 à 16h49

La comparaison avec Airbnb, avec toutes les dérives que le système s'est permis de faire, est édifiante : il s'agit, sous le masque de montages très complexes, de l'association de financiers dont l'objectif est uniquement de se faire du fric, quitte à déstabiliser l'ensemble du réseau européen et sans se préoccuper des externalités, genre moyens de production en back-up. On voit bien là le fondement des organisations derrière les intermittentes (fonds de pension et autres) : on est fort loin de la lutte contre le changement climatique et de la survie de nos sociétés !
Et aussi, se rappeler que l'Australie du Sud, championne du solaire photovoltaïque, est aussi championne des blackouts...

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